* Quatre candidats à la privatisation ont été auditionnés-CCI

* Les collectivités doivent donner leur avis d'ici mercredi

* Polémique sur la candidature d'un consortium sino-canadien

par Johanna Decorse et Matthieu Protard

TOULOUSE/PARIS, 17 novembre (Reuters) - Les quatre candidats à la privatisation de l'aéroport Toulouse-Blagnac ont été auditionnés par les actionnaires régionaux, qui ont désormais jusqu'à mercredi pour transmettre leur avis à l'Etat, alors que la présence d'un consortium sino-canadien fait grincer des dents.

Le gouvernement rendra dans un délai d'un mois sa décision sur le candidat retenu pour la privatisation du sixième aéroport français, a fait savoir lundi le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, alors qu'une décision était initialement attendue d'ici fin novembre.

Ce décalage de calendrier et l'audition des candidats par les acteurs locaux, qui n'était pas prévue initialement, suggèrent que l'Etat souhaite davantage de temps et de consultation pour choisir un repreneur.

"Le consortium emmené par ADP (Aéroports de Paris) a présenté vendredi son projet aux acteurs locaux actionnaires de l'aéroport", a déclaré lundi soir à Reuters Alain Di Crescenzo, le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Toulouse.

"Les auditions de Vinci, SNC-Lavalin et ses partenaires chinois et du fonds d'investissement Cube Infrastructure ont eu lieu lundi matin", a-t-il ajouté.

Le gouvernement a lancé en juillet le processus d'ouverture du capital de l'aéroport actuellement détenu à 60% par l'Etat. Le candidat retenu rachètera 49,99% du capital, avec une option pour les 10,01% restants.

Les collectivités locales (la région Midi-Pyrénées, le département de Haute-Garonne et la communauté urbaine de Toulouse Métropole) détiennent chacune 5% du capital de Toulouse-Blagnac. La CCI de Toulouse en détient quant à elle 25%.

Selon des sources proches du dossier, l'entreprise de BTP Vinci est associé à EDF et à la Caisse des dépôts tandis qu'ADP est allié à Predica. Le fonds Cube Infrastructure concourt quant à lui seul, selon ces sources.

POLÉMIQUE À TOULOUSE

Le consortium du groupe canadien d'ingénierie et de construction SNC-Lavalin inclut quant à lui trois investisseurs chinois, à savoir l'aéroport de Shenzen, Shandong Hi-Speed Group et FPAM Group.

FPAM Group, un fonds d'investissement spécialisé dans les activités aéroportuaires, fait partie de FPI Group, principal actionnaire de l'entreprise China Aircraft Leasing Company (Calc) qui s'est récemment engagée à acheter 100 Airbus A320 dont 74 appareils A320neo.

Jean-Louis Chauzy, le président du Conseil économique, social et environnemental (Ceser) de Midi-Pyrénées s'est ouvertement prononcé contre ce consortium.

"Le Ceser ne saurait admettre qu'un groupe chinois devienne propriétaire d'un aéroport aussi stratégique et rentable que celui de Toulouse-Blagnac où se situent les activités des leaders mondiaux de l'aéronautique que sont ATR et Airbus", écrivait-il il y a deux semaines au Premier ministre, Manuel Valls, dans un courrier dont Reuters a eu connaissance.

Localement, d'autres voix soutiennent pourtant la candidature sino-canadienne. Jean-Luc Moudenc, maire UMP de Toulouse et président de la communauté urbaine Toulouse Métropole, a ainsi rappelé la semaine dernière que dans le cadre d'un "appel d'offres international, tout groupement (devait) pouvoir candidater".

L'élu, pour qui "l'intérêt du territoire" prime, souhaite que le futur exploitant s'investisse financièrement dans des grands projets de la métropole, notamment le futur parc des expositions qui doit être construit près de l'aéroport.

Des industriels proches d'Airbus affirment que l'avionneur européen, rassuré par les nouvelles clauses apportées au cahier des charges de l'appel d'offres, n'est "pas hostile" à la candidature de SNC-Lavalin et de ses partenaires chinois. Et l'entourage d'Airbus se dit également "agacé du chinois-bashing" dans ce dossier.

Ni les groupes Vinci et ADP ni le fonds Cube Infrastructure n'ont souhaité commenter ces informations.

"AMBIGUÏTÉ" SUR LES PRIX PROPOSÉS

Dans ce contexte, l'Etat pourrait être tenté de se retrancher derrière l'avis des collectivités pour justifier sa décision.

"C'est un dossier très sensible, très délicat pour le gouvernement français", souligne une source. "Un appel d'offres qui serait strictement structuré sur le prix ne fonctionnerait pas. Le gouvernement l'a bien compris puisqu'il demande aux collectivités locales de donner leur avis. Et il en tiendra compte."

"Nous comptons peser de tout notre poids de minoritaires dans cette affaire", a déclaré lundi soir le président de la CCI de Toulouse.

Selon une source proche du dossier, l'offre du consortium sino-canadien atteindrait 300 millions d'euros, contre 200 millions pour ses concurrents français.

L'écart entre les prix proposés pourrait s'expliquer par le périmètre de valorisation retenu, à savoir 100% du capital de Toulouse-Blagnac ou seulement la part de 49,99% mise en vente dans l'immédiat.

"Il y a une grande ambiguïté pour savoir si ce prix-là (300 millions d'euros, ndlr) est pour 100% du capital ou pour 50% du capital", explique une source impliquée dans les négociations.

Le volet financier des offres n'a pas été abordé lors des auditions par les actionnaires locaux. (Avec Ingrid Melander, Jean-Baptiste Vey, Cyril Altmeyer et Gilles Guillaume, édité par Dominique Rodriguez et Marc Angrand)

Valeurs citées dans l'article : Natixis, Vinci, EDF, CREDIT AGRICOLE, ADP