par Peter Graff

TRIPOLI, 24 août (Reuters) - Les insurgés libyens se sont emparés de Bab al Aziziah, le quartier général de Mouammar Kadhafi en plein coeur de Tripoli, mais leur triomphe n'est toujours pas complet ce mercredi matin, des fusillades et des combats étant toujours signalés en Libye.

Mouammar Kadhafi reste introuvable et, dans un message sonore relayé par la chaîne de télévision Al Orouba, il a qualifié son départ de Bab al Aziziah de repli tactique. Il a aussi promis de se battre jusqu'à la mort ou jusqu'à la victoire.

D'après les insurgés, les combats pour le contrôle de Tripoli ont fait plus de 400 morts et au moins 2.200 blessés.

A la tombée de la nuit mardi, des journalistes de Reuters ont fait état de quelques fusillades dans le centre de la capitale et de pillages.

Un témoin cité par Al Arabia a pour sa part affirmé que des forces loyalistes avaient tiré plusieurs dizaines de missiles Grad sur Tripoli.

Cette chaîne de télévision a aussi signalé des bombardements sur les villes de Zouara et Adjelat, à l'ouest de la capitale.

D'intenses combats auraient lieu à Sebha. Les insurgés disent s'attendre à une farouche résistance de partisans de Mouammar Kadhafi dans cette ville située dans le désert du centre de la Libye.

Six mois après le début de l'insurrection, partie de l'est du pays, le régime en place depuis 42 ans n'entend pas renoncer au pouvoir.

Mouammar Kadhafi est capable de résister pendant des années face aux insurgés, a ainsi déclaré Moussa Ibrahim, l'un de ses porte-parole.

"Nous allons transformer la Libye en un volcan de lave et de flammes sous les pieds des envahisseurs et de leurs perfides agents", a dit ce dernier, s'exprimant par téléphone à l'antenne des chaînes de télévision Al Orouba et Al Rai.

Moussa Ibrahim a affirmé que les dirigeants de l'insurrection ne connaîtraient aucun répit s'ils quittaient leur fief de Benghazi, dans l'est de la Libye, pour s'installer à Tripoli, comme ils en ont exprimé l'intention.

TRANSITION

Ancien fidèle ministre de Mouammar Kadhafi jusqu'en février et désormais chef du Conseil national de transition (CNT) formé par les insurgés, Moustafa Abdeldjeïl a mis en garde: "Il est prématuré de dire que la bataille de Tripoli est terminée. Ce ne sera pas le cas tant que Kadhafi et ses fils n'auront pas été capturés."

Malgré cet avertissement, plusieurs dizaines de jeunes ont dansé mardi soir sur la place Verte de Tripoli, autrefois théâtre de démonstrations de force du régime. Ils ont agité des drapeaux aux couleurs de l'insurrection - rouge, vert et noir - tout en tirant des coups de feu en l'air mais la plupart des deux millions d'habitants de la capitale sont restés prudemment chez eux.

A Bab al Aziziah, les insurgés ont saisi des armes et se sont employés à saccager les symboles du régime.

Les dirigeants de l'insurrection préparent déjà la suite des événements.

Mahmoud Djibril, le Premier ministre du gouvernement rebelle, a promis une transition vers la démocratie au bénéfice de tous les Libyens. "Le monde entier a le regard tourné vers la Libye", a-t-il dit, en mettant en garde contre la tentation d'une justice expéditive.

Il a annoncé la création d'une structure rassemblant des chefs militaires de divers groupes insurgés à travers le pays afin de coordonner les efforts en matière de sécurité.

Les pays occidentaux craignent l'instauration d'un désordre généralisé en Libye, pays réputé pour la difficile coexistence de ses tribus, des Arabes avec les Berbères ou encore entre ses parties occidentales et orientales.

Les chefs politiques de l'insurrection doivent rencontrer mercredi au Qatar des émissaires de la France, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Turquie et des Emirats arabes unis.

Une autre réunion est prévue jeudi à Istanbul.

Le département d'Etat américain a annoncé qu'il tentait d'obtenir la libération immédiate d'environ 1,5 milliard de dollars d'avoirs libyens gelés afin de les fournir aux insurgés. (Bertrand Boucey pour le service français)