par Stanislas Dembinski

Les marchés émergents ont globalement été un peu moins performants récemment que les marchés développés, sur fond de montée de l'aversion des intervenants pour le risque, de crise financière et de ralentissement économique mondial. L'indice MSCI des marchés actions émergents a perdu 16% depuis le début de l'année, contre 13% pour l'indice mondial MSCI. Mais on reste loin de décotes majeures sanctionnant les émergents dans leur ensemble comme lors des crises des années 1990.

"Les marchés émergents avaient beaucoup monté avant le déclenchement de la crise financière de l'été 2007 et ils ont bien limité leurs pertes depuis", à déclaré à Reuters Claude Tiramani, gérant de fonds spécialiste des marchés émergents chez BNP Paribas. "Autrefois, une crise internationale comme celle que nous connaissons se traduisait par une dévaluation d'une monnaie d'un pays émergent, ce qui n'est plus le cas."

L'autre grande nouveauté par rapport aux dernières grandes crises concerne la discrimination marquée entre les zones émergentes, qui ne sont pas toutes logées à la même enseigne. L'Asie accuse de loin le plus fort recul depuis le début de l'année (-21%) car elle avait davantage progressé et elle a pâti particulièrement des craintes liées à la flambée récente des prix de l'énergie et des matières premières. Les poussées inflationnistes se sont déjà traduites récemment par une hausse de taux d'intérêt dans des pays de la zone comme l'Inde, dont les marchés craignent un ralentissement de la croissance.

Au contraire, l'Amérique latine et l'Europe émergente ont moins souffert car des géants de la zone comme le Brésil ou la Russie ont profité depuis le début de l'année de la hausse des prix des matières premières, dont ils sont de grands exportateurs. L'indice MSCI Amérique latine a cédé 4% et celui de l'Europe centrale et orientale 13%.

Ce rapport de force entre les zones émergentes a eu cependant tendance à s'inverser légèrement très récemment, devant le recul des cours des matières premières, en particulier du pétrole, qui a profité à la région asiatique. (Pour les indicateurs sur les marchés émergents, cliquer sur ).

LES TÉLÉCOMS ET L'ÉNERGIE

En dehors de ce phénomène régulier de balancier lié aux matières premières, les investisseurs sont aussi de plus en plus sélectifs à l'intérieur d'une même zone. Ils privilégient davantage les pays aux équilibres macroéconomiques les plus solides, en quête de la qualité maximale sur une classe d'actifs. Au sein de l'Europe émergente, des pays comme la Pologne et la République tchèque ont ainsi été privilégiés au détriment d'autres comme les pays Baltes, qui présentent notamment des déséquilibres importants des balances de paiements.

"Contrairement à ce qui s'est passé lors de précédentes crises, depuis l'été dernier, la couronne tchèque et le zloty polonais n'ont cessé de s'apprécier et sont devenus des valeurs refuges", a déclaré à Reuters Juan Carlos Rodado, économiste spécialiste de l'Europe émergente chez Natixis. "Ce mouvement s'explique en particulier par les bons fondamentaux économiques de la Pologne et de la République tchèque et par la poursuite de la convergence économique avec l'Union européenne, avec la perspective d'une entrée à terme dans la zone euro, qui implique la poursuite de réformes structurelles".

Les investisseurs sont aussi prudents dans leur approche sectorielle, favorisant les valeurs moins exposées aux poussées inflationnistes et à un resserrement du crédit.

"Nous privilégions des secteurs défensifs et/ou exposés à la croissance de la demande interne comme l'énergie, les télécoms et les services aux collectivités", a déclaré à Reuters Patrice Lemonnier, responsable de la gestion actions émergentes chez Crédit Agricole Asset Management. "Nous sommes par contre sous-pondérés sur les secteurs de consommation très cycliques qui subissent la hausse des taux d'intérêt et sur les valeurs qui ont recours au crédit".

La décote actuelle de près de 5% des marchés actions émergents en termes de ratio cours/bénéfice (PER) par rapport aux marchés développés pourrait cependant se réduire. Les pays émergents conservent un potentiel de croissance plus élevé, selon le gérant de CAAM, qui mise à terme sur un retour d'une prime.

Stanislas Dembinski, édité par Jean-Michel Bélot