"

Vous pilotez la gestion alternative de Candriam Investors Group depuis une dizaine d'années. De quoi s'agit-il exactement ?
La gestion alternative, également appelée gestion à performance absolue, est une gestion sans benchmark dont l'objectif est de dégager un rendement absolu tout en minimisant les pertes en cas de baisse des marchés. Les gérants investissent sur différentes classes d'actifs, de manière plus "souple" que pour les fonds actions ou obligations classiques. L'approche en matière de gestion est très similaire à celle des hedge funds anglo-saxons mais avec des contraintes supplémentaires, notamment en matière de transparence, de liquidité ou encore de gestion des risques. Ces règles fixées en Europe par les directives UCITS ont permis ces dernières années un fort développement de ces fonds auprès des investisseurs professionnels et particuliers. Chez Candriam nos encours sur les stratégies de performance absolue ont ainsi plus que doublé en 5 ans, à plus de 8,2 milliards d'euros aujourd'hui.

Quel est l'intérêt de cette approche aujourd'hui ?
La première raison de s'intéresser à la gestion à performance absolue réside dans le contexte de taux bas. Plus de la moitié des obligations gouvernementales européennes ont aujourd'hui des rendements négatifs, et 30% des obligations d'entreprises dites "high yield" affichent des taux inférieurs à 2% ! Non seulement les obligations ne génèrent plus de rendement mais elles ne jouent plus leur rôle de diversification des portefeuilles. Les actions quant à elles suivent depuis un an une tendance latérale ponctuée d'épisodes de forte volatilité, de mouvements erratiques qui rendent la performance plus difficile sur la durée. L'objectif des investisseurs, lorsqu'ils se tournent vers la gestion alternative, est de réduire la volatilité des portefeuilles, tout en préservant un certain niveau de rendement.

Quelles sont les principales stratégies de gestion alternative ?
La plus connue est la stratégie « long short equity » qui représente plus de 25% des encours de l’industrie, une stratégie dans laquelle les gérants prennent des positions à la hausse et à la baisse sur les actions. Une des plus anciennes stratégies de gestion alternative et l’une des plus intéressante, selon moi, est la stratégie des CTA (fonds de futures). Celle-ci couvre différents marchés (actions, obligations, devises, matières premières, etc) et cherche à capter des tendances sur chacune de ces classes d'actifs qu’elles soient à la hausse ou à la baisse. Par exemple, dans un marché baissier actions, les gérants 'shortent' les actions via les marchés de dérivés (futures) et profitent donc de la baisse des marchés. Cette stratégie présente des caractéristiques très recherchées pour diversifier un portefeuille, en particulier une décorrélation avec les stratégies actions classiques qui subissent les baisses de marché. Ces dernières années, dans un contexte où les obligations gouvernementales ne rapportent plus grand-chose, des stratégies offrant une alternative à l’investissement obligataire se sont fortement développées, à l’image de la stratégie long/short crédit. En effet, le marché a tendance aujourd'hui à mettre dans le même sac des émetteurs (entreprises) très différents. Cette stratégie consiste à réaliser des arbitrages entre différents émetteurs ou à prendre des positions 'long' ou 'short' après une analyse du risque de crédit, propre à chaque émetteur, ce qui permet de réduire la volatilité mais aussi de dégager de la surperformance par rapport aux fonds obligataires classiques.

Les rendements de l'industrie des hedge funds ont fortement baissé depuis 2008. Comment expliquez-vous cette moindre performance ?
On ne peut pas comparer la performance absolue d'aujourd'hui avec celle d'hier. Une performance de 3% aujourd'hui équivaut à 8% il y a 10 ans, pour un même niveau de risque. Corrigée de l'évolution des taux, la performance n'a pas beaucoup baissé : elle est de 3% en moyenne depuis 2012 contre 4% avant la crise… Le monde n’a pas vraiment changé ! Le premier objectif de la gestion à performance absolue, dans le cadre UCITS, est de préserver le capital des clients, sur la durée d’investissement recommandée, en mettant un accent particulier sur la gestion des risques dans les portefeuilles. Différents instruments permettent cela, notamment les "stop loss" (couper une position à partir d'un certain niveau de perte), les réductions d'exposition à certaines classes d'actifs ou encore les techniques dites de 'risk-budgeting'. On constate d’ailleurs que la volatilité moyenne des stratégies alternatives a baissé ces dernières années. Ainsi les gérants ne sont pas moins bons mais ils visent davantage l'équilibre entre le risque et la performance.
"