MONACO (Agefi-Dow Jones)--Les ouragans Harvey et Irma qui ont frappé le Texas et la Floride ces derniers jours aux Etats-Unis donnent aux réassureurs des arguments de vente, à défaut de bouleverser le marché. Le secteur a entamé samedi ses négociations annuelles de tarifs, lors des rencontres de la réassurance à Monte-Carlo (Monaco). Dimanche, Munich Re a estimé les pertes assurées dues à Harvey entre 20 et 30 milliards de dollars. Le cabinet spécialisé AIR Worldwide a chiffré entre 20 et 40 milliards de dollars celles causées par Irma.

Selon plusieurs agences de notation, les réassureurs les plus exposés à ces pertes sont des groupes spécialisés de taille moyenne, la plupart basés aux Bermudes ou membres du marché londonien du Lloyd's, dont Renaissance Re, Lancashire, Everest Re, Validus Holdings, ou encore XL Group. "Au cours des cinq dernières années, les grands réassureurs ont réduit leur exposition aux risques climatiques en Floride car la profitabilité n'était pas satisfaisante", explique Benjamin Serra, analyste chez Moody's. C'est par exemple le cas de Scor.

A quelques kilomètres près, un coût dix fois pire

Au titre de l'année 2017, les deux ouragans pourraient donc entamer les profits de certains réassureurs, mais pas leur capital. Même si la facture finale n'est pas encore établie, les budgets annuels dédiés aux catastrophes sont suffisants pour absorber les pertes. Hannover Re a ainsi maintenu son objectif de bénéfice net de 1 milliard d'euros sur l'année. "Ce ne sera pas une secousse pour l'industrie où l'on verrait de nombreux petits réassureurs faire faillite", ajoute Benjamin Serra.

La tendance baissière des prix de la réassurance observée depuis plusieurs années ne devrait pas non plus changer, au grand dam des réassureurs. Les agences Moody's et S&P Global Rating s'attendent encore à ce que les prix baissent de 0 à -5%. "Ce n'est pas un événement de nature à faire bouger le marché. Il n'y a pas de pression pour remonter les prix", commente Graham Coutts, directeur chez Fitch Ratings. En outre, «les discussions sur les prix se font localement», rappelle Antonello Aquino, directeur chez Moody's. Certes, les Etats-Unis représentent la moitié du marché mondial de la réassurance, mais les négociations concernant les autres zones géographiques ne seront pas affectées.

Malgré tout, les réassureurs voient dans cet événement matière à sortir le secteur de sa torpeur. Pas du point de vue des prix, mais du volume d'activité. Les dégâts et donc les pertes auraient pu être beaucoup plus graves. "Les comités de management du risque des entreprises vont sûrement se poser de nombreuses questions", a souligné Victor Peignet, directeur général de la division grands risques d'entreprises de Scor. "Si l'ouragan était passé une poignée de kilomètres plus près, le coût aurait pu être dix fois pire. Cela pourrait changer la politique de souscription dans le marché", espère le dirigeant.

Améliorer les modèles de calcul

En outre, grâce aux données tirées des caractéristiques de Harvey et d'Irma, les réassureurs travaillent déjà à améliorer leurs modèles de calcul des risques en les rendant plus précis. Jürgen Gräber, responsable de la réassurance internationale chez Hannover Re, croise les doigts : "Les compagnies d'assurance pourraient réduire leur taux de rétention des risques."

De fait, certains assureurs ont déjà demandé à Munich Re "une protection additionnelle pour le reste de la saison des ouragans aux Etats-Unis, qui n'en est qu'à sa moitié", a glissé Torsten Jeworrek, PDG de la réassurance du groupe allemand. "La semaine dernière, certains cherchaient de la réassurance ex post et ex ante", s'amuse le dirigeant d'un des plus grands réassureurs mondiaux.

Interrogations sur les cat bonds

"Il n'y a pas eu de catastrophe naturelle aussi grande depuis 2005", rappelle Benjamin Serra. "Une situation comme celle-ci montre le rôle de la réassurance."

Le point d'interrogation demeure néanmoins quant au marché de la réassurance alternative, composé surtout d'obligations catastrophes (cat bonds) ou de produits analogues, qui représente 15% des capitaux de la réassurance traditionnelle. "Il n'est pas sûr que les cat bonds seront mis à contribution [pour Harvey et Irma], car leur seuil de déclenchement ne sera peut-être pas atteint", explique Antonello Aquino. "Mais ils sont passés près de grosses pertes." Les investisseurs qui ne comprenaient pas les risques sous-jacents retireront peut-être leur capital, mais les connaisseurs "vont sûrement réinvestir et profiter de hausse des prix. Nous avons discuté avec plusieurs fonds de pension et investisseurs de long terme qui veulent encore investir dans les cat bonds pour diversifier leurs actifs".

-Jade Grandin de l'Eprevier, L'Agefi. ed: ECH

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