PARIS, 26 septembre (Reuters) - Emmanuel Macron a exposé mardi sa vision de la relance de l'Union européenne qu'il appelle de ses voeux à un horizon de dix ans, lors d'un discours sur la "refondation d'une Europe souveraine, unie et démocratique" à la Sorbonne à Paris.

Voici les grands chantiers sur lesquels le chef de l'Etat souhaite avancer dans les mois qui viennent avec les pays de l'Union européenne qui le souhaitent afin de tourner la page d'une Europe paralysée ces dernières années selon lui.

QUESTIONS ECONOMIQUES ET MONÉTAIRES

"Je n'ai pas la zone euro honteuse", a déclaré Emmanuel Macron à l'heure où sa volonté de renforcer la zone euro rencontre certaines réticences chez certains de ses partenaires, aux premiers rangs desquels certains politiques allemands.

"J'entends les préoccupations sur ce sujet, l'enjeu fondamental ce n'est pas un mécanisme qui par magie résoudrait tous les problèmes, ce n'est pas de mutualiser les dettes du passé, l'enjeu c'est de réduire le chômage", a-t-il dit.

En complément des réformes nationales, le chef de l'Etat propose donc de doter la zone euro des instruments qui en feront "une zone de croissance et de stabilité", notamment un budget qui "permette de financer des investissements communs et d’assurer la stabilisation face aux chocs économiques", un ministre des Finances et un parlement de la zone.

CONVERGENCE FISCALE ET SOCIALE

La divergence sur les taux d'impôts sur les sociétés "nourrit une forme de désunion et fragilise toute l'Europe", note Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat souhaite donc que d'ici le prochain budget 2020 une fourchette de taux qui engagerait les Etats membres puisse être définie.

Sur le plan social, il suggère de garantir à tous un salaire minimum, adapté à la réalité économique de chaque pays, et encadrer la concurrence par les niveaux de cotisations sociales. Il souhaite qu'une discussion sur ces points puisse se tenir dès le mois de novembre prochain.

CLIMAT

Pour Emmanuel Macron, qui s'est engagé dans une offensive diplomatique en faveur du climat depuis la décision de Donald Trump de quitter l'accord de Paris, l'Europe doit "être à l'avant-garde de la transition écologique".

Pour y parvenir, le chef de l'Etat juge indispensable de donner un prix "juste" au carbone et de mettre en place une taxe carbone commune aux frontières de l'Europe "pour assurer l’équité entre ses producteurs et leurs concurrents."

Autre tabou qu'il souhaite lever, la question d'une nouvelle politique agricole commune, qui doit notamment permettre de mieux protéger les agriculteurs face aux aléas du marché et d'assurer la "souveraineté alimentaire" de l'Europe.

SÉCURITÉ ET DÉFENSE

Face à la multiplication des attentats sur le sol européen, Emmanuel Macron appelle à doter l'Europe d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir d'ici le début de la prochaine décennie.

"Il convient d’encourager la mise en place au plus vite du Fonds européen de défense, de la coopération structurée permanente et de les compléter par une initiative européenne d’intervention qui permette de mieux intégrer nos forces armées".

Selon ses voeux, les armées nationales européennes pourraient accueillir à l'avenir des militaires venant des autres pays du continent.

Emmanuel Macron propose également la création d'une académie européenne du renseignement afin d'assurer le "rapprochement de nos capacités de renseignement", la mise en place d'une force commune de protection civile - pour répondre aux catastrophes naturelles - et d'un parquet européen de contre la criminalité organisée et le terrorisme.

NUMÉRIQUE

A trois jours du sommet européen de Tallinn, consacré pour la première fois au numérique, Emmanuel Macron estime que l'UE doit "mener et non subir" cette transformation, en promouvant dans la mondialisation son modèle combinant innovation et régulation.

Cela passe notamment par la mise en place d'une agence pour l’innovation de rupture, dans les deux ans qui viennent, "finançant en commun des champs de recherche nouveaux, comme l’intelligence artificielle, ou inexplorés."

Face aux défis et à la concurrence des géants du numérique, l'Union européenne doit repenser "ses systèmes fiscaux (taxation des entreprises numériques) et en régulant les grandes plateformes", les "Gafa".

MIGRATIONS

Face aux défis des migrations, l'Europe doit "maîtriser ses frontières tout en préservant ses valeurs", souligne Emmanuel Macron qui propose de "créer un espace commun des frontières, de l’asile et des migrations".

Le chef de l'Etat appelle également à créer un office européen de l’asile "qui accélère et harmonise les procédures", à mettre en place des fichiers interconnectés et des documents d’identité biométriques sécurisés.

Il propose d'établir "progressivement" une police des frontières européenne - qui garantisse "une gestion rigoureuse des frontières" et assure le retour de ceux qui ne peuvent pas rester - et de financer un large programme européen de formation et d’intégration pour les réfugiés.

EDUCATION ET CULTURE

Après des années de défiance et de méfiance à l'égard de l'Union européenne, il faut, souligne Emmanuel Macron, "créer un sentiment d’appartenance" à l'Europe et cela passe par les jeunes générations.

Chaque étudiant devra d'ici 2024 parler au moins deux langues européennes et la moitié d'une classe d'âge devrait avoir passé au moins six mois dans un autre pays européen, qu'il soit étudiant ou apprenti.

Il appelle à créer des universités européennes - une vingtaine d'ici 2024 - qui permettent d’étudier à l’étranger et de suivre des cours dans deux langues au moins, et propose la mise en place d'un processus d'harmonisation des diplômes dans le secondaire.

POLITIQUE ETRANGÈRE

La politique européenne ne doit plus voir l'Afrique "comme un voisin menaçant mais un partenaire stratégique avec lequel nous avons à affronter les défis de demain", estime Emmanuel Macron, qui souhaite que le partenariat avec l'Afrique soit un élément de la refonte du projet européen.

Le chef de l'Etat appelle notamment à augmenter l'aide au développement et pour la financer, il propose de relancer la taxe sur les transactions financières européennes.

DÉBAT DÉMOCRATIQUE

La refondation européenne ne se construira pas à l’abri des peuples, mais en les associant dès le début à cette feuille de route, souligne le chef de l'Etat.

Pendant six mois, des débats nationaux et locaux, sur la base de questions communes, seraient organisés en 2018 dans tous les pays de l’UE volontaires, conformément à un engagement de campagne d'Emmanuel Macron.

Le chef de l'Etat réitère son souhait de créer des listes fatransnationales "dès 2019" pour permettre aux Européens de voter pour un "projet cohérent et commun", en utilisant le quota des députés britanniques partants. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)