(Bien lire mardi au lieu de lundi dans le 1er paragraphe)

* Premières discussions entre ministres de la Défense sur un plan communautaire

* La proposition franco-allemande sans précédent depuis les années 1990

* Londres s'oppose à la constitution d'une armée européenne

par Robin Emmott et Sabine Siebold

BRATISLAVA, 27 septembre (Reuters) - La Grande-Bretagne s'opposera au projet d'Europe de la défense porté par la France et l'Allemagne tant qu'elle fera partie de l'Union européenne, a déclaré mardi le ministre britannique de la Défense, faisant valoir qu'il appartient à l'Otan, et non à l'UE, de protéger l'Europe.

Michael Fallon a répété pendant la réunion de ses collègues européens à Bratislava que Londres était catégoriquement opposé à la formation d'une armée unique ou d'un commandement militaire européen, affirmant avoir sur ce point le soutien d'autres pays européens qui veulent privilégier la protection des Etats-Unis, notamment face aux défis d'une Russie plus agressive sur le plan international.

Paris et Berlin, qui ont relancé le projet d'Europe de la défense après la victoire du Brexit au référendum du 23 juin, espéraient que le départ programmé du Royaume-Uni du bloc communautaire allait permettre de faire avancer le débat.

Mais Londres, qui conserve l'intégralité de ses droits de vote tant que le Brexit n'aura pas été mis en oeuvre, a fait comprendre mardi qu'il n'en serait rien.

"Il y a des Etats membres qui voudraient voir... un usage unique de nos forces. Pour moi, cela ressemble beaucoup à une armée européenne et nous nous y opposerons", a déclaré Michael Fallon à la presse.

"L'Europe est pleine de quartiers généraux, nous n'avons pas besoin d'en avoir un autre."

Selon le ministre britannique, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie ont exprimé des réserves similaires. Reuters n'a pas pu vérifier sur le moment quelles étaient les positions de ces pays.

RENFORCER LA CAPACITÉ D'ACTION

Arrivés ensemble à Bratislava, les ministres français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen, ont à l'inverse défendu leur projet pendant cette réunion, destinée à débattre d'initiatives qui seront ensuite inscrites à l'ordre du jour du prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, en décembre.

Les deux ministres ont assuré qu'il n'était pas question de former une armée unique, mais de "rassembler les forces des pays européens pour être prêts à agir en commun", selon Ursula von der Leyen, qui a cité les problèmes de coordination posés par la lutte contre le virus Ebola en Afrique en 2014 ou les limites de l'intervention en Libye en 2011.

Berlin et Paris ont exprimé en juillet le souhait de bâtir une coopération européenne plus étroite en matière de défense en prévision du départ du Royaume-Uni qui, selon l'Allemagne, a "paralysé" de telles initiatives par le passé.

Les idées qui ont émergé depuis cette date consistent à mettre en commun les moyens militaires, à approfondir la coopération dans des missions européennes et établir un commandement "civilo-militaire" commun, d'où pourraient être déployées les missions de l'UE.

Ces projets pourraient renforcer la capacité d'action de l'Union européenne à ses frontières, le cas échéant sans le soutien des Etats-Unis.

La haute représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui a formulé mardi ses propres propositions dans la capitale slovaque, a assuré qu'il n'y avait "rien d'idéologique" derrière cette démarche commune.

"PAS DE CONTRADICTION", DIT L'OTAN

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a dit de son côté ne voir "aucune contradiction" entre un renforcement des capacités militaires européennes et la mission de l'Otan.

Il a néanmoins insisté sur la nécessité pour les Européens d'augmenter leurs dépenses militaires, soulignant qu'après le départ du Royaume-Uni du bloc, environ 80% des financements de l'Alliance atlantique seraient fournis par des pays n'appartenant pas à l'UE.

C'est ce risque d'affaiblissement de l'Otan, auquel les alliés ont sensiblement réduit leurs contributions depuis la crise financière de 2008, que la Grande-Bretagne met en avant pour bloquer l'Europe de la défense.

Avec son départ programmé de l'UE, la France, l'autre grande puissance militaire du bloc, considère pourtant qu'il y a une "fenêtre d'opportunité pour des initiatives européennes fortes", comme le rappelait au début du mois le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors de l'université d'été de la Défense.

Dans une interview accordée à la mi-septembre à Reuters, la commissaire européenne à l'Industrie, Elzbieta Bienkowska, a proposé pour sa part que les Etats membres de l'Union européenne émettent des emprunts obligataires communs pour financer des projets en matière de défense.

"La Grande-Bretagne n'a jamais exprimé de soutien, il y a toujours eu de la résistance. Mais avec le Brexit, nous avons trouvé un intérêt, nous avons une dynamique. L'environnement est tout à fait différent", expliquait la commissaire polonaise, chargée du volet industriel de la nouvelle stratégie européenne de défense et de sécurité.

"Nos budgets de défense se réduisent. Si vous observez la Russie qui a accru son budget de défense de 97% et la Chine de 160%, alors qu'il a baissé de 9% dans l'UE, c'est vraiment effrayant", ajoutait-elle dans cette interview. (avec Marine Pennetier à Paris; Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français)