Londres (awp/afp) - Le Royaume-Uni prévoit une croissance plus faible jusqu'à la fin de la décennie et son ministre des Finances, Philip Hammond, a annoncé plusieurs gestes budgétaires mercredi pour ménager les mécontentements avant le Brexit.

L'Office de responsabilité budgétaire (OBR) n'attend plus qu'une croissance comprise entre 1,3% et 1,5% par an cette année et les quatre suivantes, contre une progression supérieure à 1,5% voire proche de 2,0% du produit intérieur brut (PIB) par an prévue jusqu'ici.

L'institut table en outre sur une productivité moins dynamique, au moment où le pays connaît déjà une activité ralentie par les hésitations des ménages à consommer et des entreprises à investir avant le Brexit.

Ces difficultés économiques réduisent les marges de manoeuvre du chancelier de l'Echiquier confronté à une équation quasi-insoluble: contenter un peuple las de l'austérité tout en remplissant ses engagements de respect des équilibres, dix ans après une crise financière qui a vidé les caisses du Royaume-Uni.

"Nous écoutons et comprenons la frustration des familles dont les revenus sont sous pression", a souligné M. Hammond, au moment où l'inflation est à 3%. "Nous choisissons en conséquence une approche budgétaire équilibrée", a-t-il ajouté dans son discours à la Chambre des communes.

Une manière d'emballer quelques cadeaux à un mois de Noël, malgré un cadre budgétaire encore cadenassé.

Le ministre a annoncé notamment des coups de pouce de 2,8 milliards de livres au service public de santé en Angleterre et de 2,3 milliards pour la recherche et développement. Il a aussi supprimé les frais de notaire pour ceux qui achètent un logement pour la première fois, accéléré le versement des allocations sociales et gelé des taxes sur la bière et le whisky.

Le chancelier n'a en revanche pas beaucoup augmenté les impôts, à part une nouvelle taxe sur les royalties touchées par les multinationales dans les paradis fiscaux en lien avec des activités au Royaume-Uni.

- Bête noire des eurosceptiques -

Pour financer ses nouvelles dépenses, le Trésor a annoncé notamment qu'il allait relancer le processus de privatisation de la banque RBS nationalisée pendant la crise financière.

Mais M. Hammond a aussi dû réduire de moitié la taille du matelas financier prévu pour que les comptes supportent les imprévus du Brexit. Afin de préparer ce processus inédit attendu en mars 2019, il a par ailleurs mis de côté 3 milliards de livres supplémentaires - une enveloppe distincte de la facture du Brexit due à Bruxelles qui fait l'objet de sévères marchandages.

Au total, l'OBR, organisme indépendant chargé des prévisions économiques, a confirmé la trajectoire descendante du déficit public, qui devrait être réduit à 1,3% du PIB en 2021, sous la barre des 2% visée.

Ironie de l'histoire, Londres a reçu mercredi un satisfecit de Bruxelles qui va mettre un terme à sa surveillance du déficit excessif des comptes britanniques, lancée il y a presque dix ans mais jugée désormais inutile au vu de l'amélioration de la situation du Trésor.

Pas suffisant pour apaiser le leader de l'opposition, le chef du Parti Travailliste Jeremy Corbyn, pour qui les fonds publics doivent servir avant tout à "changer la vie des gens ordinaires". "Dans les jours qui viennent, la réalité de ce budget va apparaître au grand jour: la plupart des gens ne seront pas mieux lotis et les miséreux le seront toujours", a-t-il tonné.

M. Hammond n'est de surcroît pas à l'abri des critiques au sein de son propre Parti conservateur, alors que le gouvernement de Theresa May est profondément divisé à propos de la sortie de l'UE.

Favorable à des concessions à Bruxelles pour permettre un départ sans choc, le chancelier est la bête noire des partisans les plus convaincus du Brexit.

Ces derniers lui reprochent de traîner les pieds et le surnomment "Bourriquet", l'âne mélancolique ami de Winnie l'Ourson. Ils pourraient sauter sur la moindre opportunité pour exiger de Mme May qu'elle renvoie son chancelier, avec qui elle entretient d'ailleurs de froides relations.

M. Hammond peut en revanche compter sur le soutien du patronat, qui a salué un budget volontariste malgré une conjoncture difficile.

afp/rp