* 56,7 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes

* Les premiers résultats connus ce dimanche soir

* L'opposition récuse par avance l'issue du scrutin dans l'Etat de Rivers

par Julia Payne

PORT HARCOURT, 29 mars (Reuters) - Confusion et violences ont émaillé les élections présidentielle et législatives organisées ce week-end au Nigeria, dont les résultats dans l'Etat pétrolier de Rivers ont été récusés par l'opposition avant même la fermeture des bureaux de vote.

Le parti All Progressive Congress (APC), dont le chef de file Muhammadu Buhari, un musulman du Nord, entend renvoyer dans l'opposition le président sortant Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, accuse des partisans du chef de l'Etat sortant d'avoir tué plusieurs de ses militants dans l'Etat de Rivers, haut lieu de l'industrie pétrolière nationale dans le sud du pays.

"Des milices armées (...) multiplient les meurtres de membres de l'APC. Beaucoup ont déjà été tués", dit le mouvement dans un communiqué. "Quelles que soient les bêtises qui seront annoncées en guise de résultats du scrutin d'aujourd'hui, elles ne sont pas acceptables pour nous", poursuit-il, dénonçant une "parodie" d'élection.

Des manifestants se sont rassemblés devant le siège de la commission électorale à Port-Harcourt, la capitale de l'Etat, pour réclamer la tenue d'un nouveau scrutin. La police a dû tirer des coups de semonce pour repousser les manifestants.

Les premiers résultats issus des 120.000 bureaux de vote devraient être connus dans la soirée, a annoncé le président de la commission électorale indépendante (Inec), Attahiru Jega, lors d'une conférence de presse à Abuja.

Il a également admis que les accusations d'irrégularités dans l'Etat de Rivers le préoccupaient. Des investigations sont en cours pour évaluer leur importance.

Le Parti démocratique populaire (PDP) du président Jonathan a accusé pour sa part ses adversaires de l'APC d'avoir fait voter des Nigérians trop jeunes pour être inscrits sur les listes électorales.

LE PRÉCÉDENT DE 2011

Lors du précédent scrutin, en 2011, la défaite de Muhammadu Buhari face à Goodluck Jonathan avait donné à des violences qui avaient fait 800 morts et chassé de chez eux 65.000 habitants du Nord musulman.

"Le danger réside dans l'après-élections", commentait samedi Bakili Mulizi, ancien président du Malawi qui dirige la mission d'observation du Commonwealth.

Entamées samedi, les opérations de vote ont été prolongées dimanche en raison de problèmes techniques liés à lecture des cartes d'électeurs biométriques introduites pour limiter les fraudes.

Pour l'emporter, un candidat doit obtenir la majorité simple des suffrages ainsi qu'au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats du pays et la capitale fédérale. Si au moins une de ces conditions n'est pas remplie, un second tour est organisé dans les sept jours suivant la proclamation officielle des résultats.

La victoire d'un candidat de l'opposition serait une première dans le pays le plus peuplé d'Afrique, en proie depuis six ans aux violences des islamistes de Boko Haram, qui avaient menacé de s'en prendre à tous ceux qui iraient voter. Ils ont tenté de perturber le déroulement des élections. Leurs attaques dans les Etats de Yobe et de Gombe ont fait 14 morts en tout, dont un candidat de l'opposition.

Sur les treize adversaires de Goodluck Jonathan, seul l'ancien général Muhammadu Buhari semble en mesure de l'inquiéter.

Le principal argument de campagne mis en avant par cet ex-militaire âgé de 72 ans est le sentiment généralement partagé qu'il ne s'est pas servi dans les caisses du pays lors de ses deux années passées à la tête du Nigeria, après le coup d'Etat de décembre 1983, alors que le mandat de Goodluck Jonathan, 57 ans, a été émaillé d'affaires de corruption en matière pétrolière.

Sa réputation d'homme à poigne séduit également une partie de l'électorat qui accuse le gouvernement sortant de n'avoir pas su les protéger contre la violence de Boko Haram. Cette incapacité a été patente au moment de l'enlèvement de quelque 200 lycéennes par la secte islamiste en avril dernier.

Avec l'aide de contingents tchadien, camerounais et nigérien, l'armée a repris une bonne part des territoires dont il s'était emparé, mais le mouvement continue à s'en prendre quotidiennement aux civils dans le Nord-Est. (avec Ed Cropley et Abraham Terngu à Abuja; Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)