Emissions obligataires Africaines

Ces deux dernières années, la Zambie, l’Angola, le Nigeria, la Namibie et le Sénégal ont fait de même pour un montant total de 3,2 milliards de dollars. Les gouvernements cherchent de nouveaux moyens de financement pour développer leurs infrastructures ou pour restructurer leurs dettes. Ils font appel aux investisseurs internationaux, ce qui leur permet de lever des montants plus importants, à des taux d’intérêts globalement faibles. Ils obtiennent ainsi une certaine crédibilité et une plus grande flexibilité. « La forte demande des investisseurs, doublée de coûts de financement plus élevés sur leur marché domestique, pousse les pays africains à émettre de la dette sur les marchés internationaux, moins coûteux », explique un rapport de Standard & Poor's consacré à l'Afrique. Certains pays, tels que l’Afrique du Sud et le Nigéria, empruntent afin d’établir une référence «  taux », pour les émissions obligataires des entreprises du pays.

Pour lever des fonds sur les marchés internationaux, les pays africains doivent, tout d’abord, obtenir une note de la part des grandes agences de notations. Pour cela, ils doivent être vigilants concernant leur ratio « dettes/PIB » (entre 30 et 40% du PIB, taux inférieurs à ceux des autres pays en développement)  et la nature de leur dette (pour quel financement et leur capacité à gérer le remboursement). Ils sont également dans l’obligation de publier un certain nombre d’informations : PIB, objectifs de croissance, répartition de la dette court terme, moyen terme, long terme, système de financement et de remboursement…

Les obligations africaines sont globalement attractives du fait de la stabilité croissante de certains régimes: « La hausse des prix des matières premières, la forte demande chinoise et l’amélioration de la gouvernance et de la situation politique générale rendent les obligations africaines particulièrement attractives pour les investisseurs cherchant à diversifier leurs portefeuilles », précisait, il y a plus d’un an, Graham Stock, directeur du département des recherches sur les marchés émergents à la banque d’investissement JP Morgan. Aujourd’hui la situation évolue. En effet, les prix des matières premières s’effondrent pour rejoindre leurs plus bas historiques et la Chine fait face à une réduction des liquidités, rendant ses investissements internationaux incertains.

Les opérateurs de marchés sont demandeurs de dettes africaines, ces derniers temps du fait des rendements élevés qu’ils offrent (entre 6 et 8% contre 2% pour l’Europe et les Etats Unis) et de leur solvabilité améliorée (leur taux d’endettement se situe entre 30 et 40% du PIB, suite à l’effacement partiel de leur dette dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés).
 

Les risques

a. Pour les pays émetteurs

Néanmoins, ce système de financement apporte aussi sa part de risques : le plus important est le risque de change. En effet, les pays émettant en dollars, et non dans leur devise nationale, doivent gérer les taux de change sur les différentes échéances.  Viens s’ajouter les possibles dérapages budgétaires, les différents coûts de portage et les répercussions potentielles sur la politique monétaire des pays (en augmentant ou abaissant les taux directeurs sans fondement économique interne).

b. Pour les investisseurs

Les analystes commencent à s’inquiéter de cet intérêt soudain pour les dettes de pays émergents. En effet, le Rwanda est un pays très dépendant de l’aide internationale et qui ne possède quasiment aucune ressource naturelle contrairement au Nigeria ou l’Angola. Ce qui permet de s’interroger sur le bien fondé de cette émission et sur l’impact qu’elle risque d’avoir. D’autres pays à faible solvabilité pourraient également se lancer dans l’aventure et emprunter à de faibles taux, qui ne reflètent pas les risques encourus. Ce dernier point pourrait être plus ou moins problématique en fonction de la « taille » de l’investissement et de l’investisseur. Certains « hedge fund » ne seraient que très faiblement impactés du fait de la diversité de leurs portefeuilles mais d’autres investisseurs institutionnels pourraient se brûler les ailes.

Par ailleurs, un autre risque majeur persiste au sein de certains pays d’Afrique : l’instabilité politique. De nombreux gouvernements sont encore des régimes autoritaires ou des démocraties relativement instables. Certains sont au bord du coup d’état ou d’une guerre civile. En cas de renversement politique d’un pays ayant émis des obligations, les investisseurs pourraient ne jamais revoir leur investissement.  L’Angola et le Rwanda sont d’ailleurs considérés comme des pays relativement risqués à ce niveau là (avec, respectivement, un indice de démocratie  de 3.32 et de 3.25, sur une échelle allant de 1 à 10 où 10 représente la meilleur note. En dessous de 4 nous considérons le régime comme autoritaire).


Conclusion

Les émissions obligataires émanant des gouvernements africains sont des nouveaux moyens de financement pour ces pays en plein développement. Elles apportent de nombreux avantages : une certaine crédibilité sur les marchés internationaux, des faibles coûts de financement et une restructuration de la dette. Cependant elles s’accompagnent également d’une part de risque pour les pays émetteurs. Les principaux sont le risque de change et les répercussions sur la politique monétaire du pays.

Par ailleurs, les investisseurs doivent rester vigilants et ne pas se jeter sur cette nouvelle classe d’actif, proposant des rendements élevés. Pour le moment ce genre de placement manque encore de recul et s’accompagne d’une grande part de flou quand à la capacité de remboursement à terme. Les opérateurs cherchent le rendement avant tout, sans prendre en considération la part de risque. Ils reproduisent la même chose qu’en 2006-2007 lorsqu’ils ont acheté les obligations grecques, portugaises ou irlandaises. Elles offraient des rendements plus importants que les autres pays développés mais qui restaient faibles par rapport au risque encouru. Cinq ans plus tard, 60% de la dette publique grecque, détenue par les banques et créanciers privés européens a été abandonnée, ce qui signifie que les institutions financières et les privés récupéreront seulement 40% de leurs investissements initiaux. Entrainant une perte considérable pour le Crédit Agricole, la Société Générale et d’autres fonds d’investissements. Nous sommes, ainsi, en droit de se demander si la même chose ne risque pas d’arriver pour des pays, instables, comme le Rwanda ou l’Angola…

Enfin, l’arrêt progressif des politiques accommodantes des différentes banques centrales internationales n’est pas non plus de bon présage pour les émissions obligataires africaines. Les injections massives de liquidités, ayant contribué à une forte baisse des taux des pays développés, ont poussé les opérateurs à investir dans des produits plus risqués, à la recherche de rendement. Nous estimons qu’un retour à la « normal » des taux (autour de 4% pour les obligations à 10 ans françaises) inciterait les investisseurs à racheter des actifs plus classiques. De ce fait les futures émissions obligataires, émanant de pays africains, pourraient toujours intéresser les opérateurs de marchés mais dans une moindre mesure.