"De quelle manière envisagez-vous votre investissement dans les pays émergents à l’heure actuelle ?
Nous attachons beaucoup d’importance à la volonté et à la capacité d’un gouvernement de procéder à des réformes dans le pays. Aussi certains pays semblent s’inscrire dans la bonne voie comme l’Inde et la Chine. Ces derniers tendent à mettre en place des mesures pour stimuler la demande interne et rééquilibrer la croissance.
La Chine a décidé d’avoir une croissance de meilleure qualité, plus soutenable, en agissant sur la main d’œuvre, l’environnement et les marchés financiers et en amoindrissant le levier financier et le surinvestissement qui a conduit à des surcapacités dans certains secteurs.
L’Inde a, de son coté, défini un plan en vue de tenter de remédier à un sous investissement important et à des infrastructures non performantes.
D’autres, en revanche, apparaissent comme de mauvais élèves comme le Brésil.

Aujourd’hui trois facteurs de risque distincts sont identifiés pour les pays émergents en 2015 : le relèvement des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine, l’appréciation du dollar qui en découlera, et le fort repli du cours du baril. Qu’en pensez-vous ?
La hausse du dollar et la baisse concomitante de certaines devises émergentes pourraient pousser les investisseurs internationaux à se retirer davantage des marchés émergents affectés. Nous pourrions vraisemblablement voir moins de liquidité en dollar financer certains déficits de paiement. Il en est de même des effets induits de la remontée des taux aux Etats-Unis.
Le repli du cours du baril de 40% pourrait être fortement bénéfique pour certains pays importateurs comme l’Inde où les produits énergétiques sont subventionnés par les autorités. Un allégement de la pression sur la balance des paiements et l’inflation pourrait en découler. Pour certains pays exportateur des matières de base, le contraire est le cas.

Pourrait-on craindre une crise similaire à celle que l’on a pu observer au printemps 2013 à la suite de l’annonce faite par l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, de l’intention de la Banque centrale d’envisager une normalisation de sa politique monétaire ?

Il est difficile de se prononcer sur ce point. Le stress qui pourrait être engendré par un passage à l’acte de la Fed au niveau de ses taux directeurs ne constitue pas un élément de notre approche de stock picking qui se concentre sur les valeurs de croissance de qualité même si c’est un facteur de risque à considérer.

Certains craignent une nouvelle crise des subprimes provenant de Chine en raison de l’accumulation des créances douteuses dans le pays. Qu’en pensez-vous ?
Un levier financier trop élevé se manifeste tôt ou tard par des créances douteuses. L’ampleur du problème en Chine est difficile à évaluer. Ceci étant, ce que nous savons c’est que les banques sont des propriétés de l’Etat. La majeure partie des clients des banques sont des entreprises publiques. Les réserves de l’état en Chine sont importantes. Les autorités chinoises sont habituées à gérer les difficultés liées à la macroéconomie. Un danger systémique pour l’économie est invraisemblable. Par ailleurs, des actions ont été entreprises par Pékin pour amener les entreprises publiques à gagner en efficacité et en rentabilité. Une flexibilité a été introduite dans les taux de refinancement afin de promouvoir l’accès au capital plus facile pour les entreprises privées.
Il est de ce fait fort probable que les désordres qui apparaitront seront contenus.

Toujours est-il que nous nous efforçons de contourner cette menace en investissant dans des sociétés financièrement indépendantes, qui génèrent suffisamment de trésorerie pour autofinancer leur développement et qui sont en capacité de supporter les chocs éventuels qui se matérialiseront. Nous ne sommes pas du tout investis dans le secteur bancaire.

De quelle manière avez-vous accueilli le lancement de la plateforme de négociation entre Shanghai et Hong Kong ?
Grâce à cette plateforme, l’univers d’investissement est plus large et plus praticable, la liquidité étant plus significative. Cette plateforme devrait donc nous offrir plus d’opportunités de positionnement sur les actions chinoises.

D’aucuns critiquent la lenteur des réformes en Inde ?
Il est vrai que nous n’avons pas l’assurance de l’exécution rapide et entière du plan défini par les autorités indiennes. Celui-ci a toutefois le mérite d’exister.
De plus, ce qui est important à retenir c’est que nous n’investissons pas dans un pays en tant que tel mais dans des sociétés même s’il est vrai que les conditions cadres d’une économie dans lequel évoluent ces sociétés peut être plus ou moins porteur. C’est ce qui explique que nous soyons très pondérées sur le Brésil même si le gouvernement entend poursuivre sa politique interventionniste. Nous avons pu identifier des sociétés brésiliennes très intéressantes qui offrent de la croissance visible comme le fabricant de moteurs électriques WEG.

De la même manière, nous sommes portés sur le marché indien sur des actions présentant un potentiel de revalorisation conséquent. Tel est le cas de PowerGrid of India, société détentrice du premier réseau d’électricité en Inde. Le groupe a un retour sur capitaux propres garanti par l’Etat d’environ 15%. Il y a un énorme besoin d’investissement en infrastructures dans le réseau. Les réformes envisagées dans le pays pourraient être un accélérateur de la dynamique bénéficiaire mais ne conditionnent pas la génération de profits notables pour autant.

Que pensez-vous de la cherté du marché des actions indiennes ?
Le Sensex se négocie aujourd’hui bien plus cher que la moyenne historique, 16 fois contre 14,5 fois. Nous sommes donc sur un niveau relativement élévé. Une consolidation du marché peut survenir.

Ce qui nous importe néanmoins c’est la progression des bénéfices à plus long terme, sur cinq ans ou plus.

Quel regard portez-vous sur la crise en Russie ?
Le fort recul du cours du baril et les sanctions prises par l’Europe et les Etats-Unis en réponse au conflit avec l’Ukraine ont fait beaucoup de mal à la Russie et au rouble. Le pays est fragilisé avec une devise en chute libre et peine à se refinancer à l’étranger. Ceci étant, le gouvernement russe dispose de ressources importantes. Il peut tenter de résister et continuer à montrer une farouche hostilité face aux puissances occidentales sur la durée.

Êtes-vous exposés à des valeurs russes ?
Oui. Nous sommes exposés au premier distributeur de nourriture, Magnit. L’entreprise a un potentiel de croissance important et jouit d’une aptitude d’autofinancement l’autorisant à faire abstraction du taux de change entre le rouble et le dollar. Une prime de risque a été constituée en raison de l’implantation de la société en Russie qui n’est pas forcément liée à la dynamique de cette société. Nous misons sur une réduction de cette prime avec le temps.
Nous sommes également investis dans Yandex et Mail.ru.
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