"Quelle a été l’évolution de votre allocation actions depuis le début de l’année ?
Nous avons quelque peu élargi notre poche actions depuis le début de l’année, essentiellement en puisant dans les actions de la zone euro, pour accompagner la progressive amélioration de la conjoncture dans la région.
Si nous considérons un fonds équilibré 50-50, nous pouvons dire que nous étions à 53%, et que nous sommes montés à 55%.

Vous attendiez-vous aux annonces faites par la présidente de la Réserve fédérale américaine mercredi soir ?

Nous nous attendions à un amoindrissement du montant des actifs achetés tous les mois par la Banque centrale sur les marchés, à 55 milliards de dollars. Nous tablions également sur l’abandon du seul critère de taux de chômage de 6,5%et sur la prise en compte en conséquence d’autres facteurs économiques pour déclencher la première hausse du taux directeur de refinancement.

Nous avons été quelque peu surpris, en revanche, par la précision livrée sur le délai entre la fin du programme d’achat d’actifs sur le marché et le premier relèvement du taux directeur de refinancement.

Que voulez-vous dire ?
Jusque là, le marché anticipait le fait que même si le programme venait à être interrompu, dans la mesure où le rétablissement du marché de l’emploi s’avérait insuffisant et en présence d’une inflation atone, la Fed était destinée à maintenir ses taux proches de 0 encore longtemps.
Une telle anticipation parait avoir été mise à mal après les déclarations de Janet Yellen.

La prévisibilité de la politique monétaire américaine s’est dégradée ?
La visibilité est effectivement moins bonne qu’auparavant. C’est ce qui explique les mouvements observés sur le marché aujourd’hui.

Êtes-vous pour autant en mesure d’envisager dans votre scénario central un horizon pour l’arrêt du programme et le premier relèvement de taux ?
La Fed pourrait réduire son programme de 10 milliards de dollars supplémentaires tous les mois. Le programme d’achat pourrait prendre fin début 2015. Cela nous amènerait au premier relèvement de taux à l’été 2015.

De combien pourrait être la première hausse de taux ?
Vraisemblablement elle ne sera pas négligeable, peut être de 0,25% ou 0,50%.

Quelles conséquences pourraient émaner de la détérioration de la lisibilité de la politique monétaire américaine ?
Les taux longs pourraient prendre de l’élan et passer plus durablement au dessus de 3%. Le dollar devrait également s’inscrire plus fermement dans un cheminement ascendant contre l’euro.

Y a-t-il un risque de voir un épisode similaire à la fin du mois de mai 2013, au cours duquel nous avons vu les taux remonter brutalement de 50 points de base ?
C’est un risque. Ce d’autant plus que deux paramètres avaient entrainé cette remontée brutale à savoir les déclarations de Ben Bernanke sur l’éventualité d’un changement d’orientation de la politique monétaire de la Fed et une dépréciation massive du yen. Cette fois-ci nous avons les divulgations de Janet Yellen et une dévaluation significative du yuan qui suggère un essoufflement de la dynamique de la Chine.

Cependant ce risque est limité ?
La surprise des investisseurs est moins grande.
Les responsables de la Fed n’hésiteront pas à réagir pour apaiser les craintes, en précisant par exemple que leur calendrier fluctuera en fonction des données économiques et que s’il constatait un ralentissement de la macroéconomie, le programme d’achat serait prolongé et la première élévation du taux retardé.

Néanmoins le doute ne sera pas propice à une accentuation de l’appétit pour les actifs risqués.

Ce nouveau positionnement de la Fed vous a-t-il conduit à alléger votre exposition sur les actions américaines ?
Non. Le changement de discours de Janet Yellen laisse supposer une reprise plus robuste de l’économie des Etats-Unis qui devrait à terme impacter positivement les bénéfices des entreprises américaines. Même si une consolidation se dessine sur le marché des actions américaines, nous sommes d’avis que la performance devrait être retrouvée assez rapidement. C’est ce qui explique que nous ne soyons pas sortis des valeurs sur lesquels nous sommes investisseurs.

Vous entrevoyez une consolidation ?
Les valorisations des actions américaines sont très hautes.
Les marges des entreprises américaines sont à des niveaux record. Les amplifier ne sera pas évident surtout que la consommation des ménages américains ne s’accroit pas massivement. En outre la chute des devises et l’affaiblissement de la croissance de certains pays émergents devraient peser sur les chiffres de quelques multinationales américaines si l’on considère que les ajustements sont imparfaits et les couvertures onéreuses. Cela coute 6% de se couvrir sur la roupie indienne.

Cette consolidation se justifie-t-elle également par la baisse de régime de la croissance économique américaine elle-même ?
En partie. Les intempéries ont affecté la vigueur de la consommation qui devrait se reporter un peu plus tard dans l’année.

Pensez-vous que la hausse du dollar est enclenchée ?

Nous sommes longs sur le dollar depuis longtemps. Je ne pense pas que l’appréciation du cours du billet vert va s’accélérer mais elle devrait perdurer dès lors que nous allons avoir de moins en moins d’achat d’actifs américains par la Fed. Nous devrions in fine renouer avec une parité de 1,35.

Ceci étant nous avons été quelque peu interpellés par le fait que pendant la semaine de tensions géopolitiques consécutives aux évènements en Ukraine, le dollar n’ait pas mieux performé. Cela laisse supposer que la puissance des flux a été plus importante que les inquiétudes des investisseurs.
Nous avons certes vu des frémissements au niveau du yen et de l’or, mais nous nous l’expliquons davantage par la baisse du yuan.

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