"Quelle lecture faites-vous de la forte correction survenue sur les marchés actions la semaine dernière ?
Cette correction s’explique à mon sens par la conjonction de plusieurs signaux négatifs : les craintes autour de la propagation de l’épidémie Ebola ; une préoccupation relative à l’évolution de la croissance mondiale suite à de mauvaises statistiques sur l’Allemagne et à la révision des perspectives de croissance mondiale par le FMI ; une inquiétude liée au repli continu du cours du baril sur fond de faible demande ; des déceptions découlant de la prise de parole de Mario Draghi président de la Banque centrale européenne.

Au-delà de ces éléments de nature fondamentale, des paramètres d’ordre technique sont venus amplifier le mouvement baissier. Certains opérateurs qui avaient pris des positions très tranchées sur les taux américains ont été pris à revers et ont dû procéder hâtivement à des débouclements afin de faire face aux appels de marge. De plus, les investisseurs qui n’ont pas d’horizon moyen long terme ont été enclins à quitter précipitamment le marché, ce qui a rajouté de l’huile sur le feu.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à présent ?
Le repli significatif de près de 13% en l’espace de deux semaines nous parait très violent. Il s’est fait sans rebond technique, sans achats à bon compte. Tous les secteurs ont été concernés par le retrait massif des investisseurs mercredi 15 octobre, y compris les secteurs les plus défensifs comme la pharmacie. Cette séance semble avoir été une véritable séance de capitulation, ce qui nous donne un espoir de connaitre un sursaut dans les semaines à venir.

Vous excluez le scénario d’un bear market durable ?
Effectivement. Le sérieux ajustement que nous avons connu ne devrait pas traduire une rupture.

Ce d’autant plus que dans la lecture que nous faisons de la toile de fond macroéconomique, des éléments rassurants peuvent être mis en exergue. La croissance mondiale attendue est à 3,3 au lieu de 3,4% en 2014, ce qui n’a rien de dramatique. Les dernières données très négatives concernant l’Allemagne sont en partie dues à des effets statistiques. Le nombre de jours travaillés a été faussé du fait du décalage du calendrier des vacances. Un réajustement dans l’autre sens devrait se dessiner le mois prochain.
Dans un autre registre, le fléchissement de 25% du prix du baril de pétrole est certes la traduction d’un excédent de l’offre par rapport à la demande. Cependant cette diminution redonne un important pouvoir d’achat aux consommateurs de la planète entière et contribue à soutenir les résultats des entreprises. Cette chute de l’or noir constitue une sorte de plan de relance d’envergure mondiale , de l’ordre de 1800 milliards de dollars, ce qui est colossal.

La correction qui a eu lieu a un côté salutaire ?
Les gérants étaient en manque d’idées, ils vont pouvoir dénicher de belles sociétés à des prix attractifs.

Vous continuez cependant à afficher une certaine prudence ?
Du fait de ce que nous venons de vivre ces dernières semaines, nous restons en alerte. La panique est telle que nous ne sommes pas à l’abri de cours plus bas encore en raison de comportements moutonniers.

Par prudence, nous avions plutôt réduit la voilure sur nos fonds dans la première quinzaine d’octobre. Nous sommes descendus jusqu’à une exposition de 20% aux actions le 15 octobre, puis avons relevé fortement notre exposition le lendemain.

Qu’est ce qui pourrait vous pousser à revenir plus abondamment sur les actions ?
Une baisse supplémentaire de l’indice parisien de 7%. Nous serions alors sur un niveau de valorisation support de long terme, correspondant à un CAC 40 compris entre 3600 et 3700 points. Cependant, parce que nous ne sommes pas certains d’atteindre un tel plancher, nous avons commencé à réinitier ou à renforcer des lignes sur des grandes valeurs très décotées. Nous pensons que le segment des petites et moyennes valeurs n’est pas à privilégier actuellement.

Parmi les catalyseurs du rebond, nous identifions d’abord les résultats des entreprises. Nous entrons dans la période de publication des résultats du troisième trimestre, et le discours des dirigeants devrait s’avérer globalement rassurant. Nous pourrions également avoir de bonnes nouvelles du côté de la relation entre la France et l’Allemagne. Berlin pourrait accepter de faire plus d’efforts sur les investissements et Paris admettre de faire plus de réformes. Cela serait susceptible de renforcer la confiance des investisseurs, dont les attentes sur ce sujet sont minimes.

Qu’en est-il de votre répartition sectorielle ?
Nous sélectionnons les sociétés en fonction de leurs fondamentaux et de leur niveau de valorisation. En ce moment, nous privilégions le secteur des industrielles, des financières, et de l’automobile où nous trouvons des entreprises bien gérées à des prix de nouveau intéressants.
Nous demeurons délibérément à l’écart du secteur énergétique, les valeurs pétrolières et parapétrolières. Même si le cours du baril venait à remonter, le secteur devrait rester difficile pour longtemps. La fausse bonne idée serait de se précipiter sur des titres comme Total ou CGG Veritas.
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