Remise du rapport de Philip Cordery sur le salaire minimum européen

Madame la ministre du Travail de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, chère Myriam El Khomri,

Monsieur le député, cher Philip Cordery,

Mesdames, Messieurs,

Je remercie Philip Cordery pour la très grande qualité de son rapport sur le salaire minimum européen qui intervient à un moment clé dans le débat européen puisque la Commission européenne, avec le soutien de la France, a lancé une procédure devant aboutir à la définition d'un socle européen des droits sociaux.

Cette question est particulièrement urgente au moment où l'Europe affronte une crise qui porte sur le sens même du projet européen.

La décision des citoyens britanniques de quitter l'Union européenne, en juin dernier, tient en partie à des spécificités de ce pays, mais ce qui s'est exprimé lors du referendum, en particulier les fractures géographiques, sociales, générationnelles, la peur du déclassement ou d'être perdant dans la mondialisation, existe partout en Europe. C'est un avertissement. L'Europe doit être beaucoup plus protectrice au plan économique et social. Nous sommes convaincus qu'elle est une protection dans la mondialisation mais pour cela, il faut que son pilier social soit renforcé. En Europe, l'économique et le social doivent être mieux articulés et combinés si nous ne voulons pas que le marché intérieur et les accords commerciaux internationaux soient vus comme destructeurs du modèle social.

Il y a aujourd'hui un décalage, puisque d'un côté nous avons des règles contraignantes fortes pour la concurrence, l'intégration économique, et de l'autre des règles sociales qui sont pour l'essentiel de compétence nationale. Ce décalage est trop fort.

Il ne s'agit pas de dire que tout le social doit relever du niveau européen mais il faut, à partir du moment où nous partageons le même espace économique et, pour beaucoup, monétaire, qu'il y ait un socle commun de droits sociaux garantis partout en Europe. Comme le montre ce rapport, la zone euro est aujourd'hui une « zone monétaire incomplète », dans laquelle le salaire devient l'une des variables d'ajustement.

Faire avancer le socle des droits sociaux commun en Europe, de manière pragmatique et déterminée, est donc une des réponses indispensables à la crise européenne. La dynamique européenne a certes permis de rapprocher les économies mais elle a aussi fait croître le risque d'une concurrence entre les territoires européens qui ne disposent pas des mêmes normes et des mêmes règles.

Aujourd'hui, l'Europe est parfois perçue, non pas comme une protection, mais comme un vecteur de nivellement par le bas. Nous ne pouvons pas l'accepter.
La construction européenne doit renouer avec ce qui fait son sens, elle doit être une source de progrès social. C'est pourquoi nous voulons une véritable convergence économique et sociale, en particulier entre les pays de la zone euro, et plus largement entre tous les Etats membres. Ce sera par exemple l'enjeu du Sommet social que la Suède, qui n'a pourtant pas l'euro comme monnaie, organisera l'année prochaine mais aussi du Livre blanc que prépare la Commission européenne sur l'Union économique et monétaire et qui devrait être publié à la fin de l'année.
Au cœur de cette convergence économique et sociale, nous plaçons la mise en place d'un salaire minimum européen. Ce doit être l'un des axes forts de ce socle commun des droits sociaux que nous voulons promouvoir.

En Europe, la concurrence doit aussi être régulée par des règles sociales. Le respect du droit à un salaire minimum en fait partie selon nous.

Il ne s'agit pas, comme vous le soulignez très justement, Monsieur le député, de mettre en place le même salaire minimum dans toute l'Europe car les situations économiques des différents pays sont très diverses. L'enjeu, c'est de s'assurer que dans chaque Etat membre soit instauré un salaire minimum selon des critères communs, par exemple 60% du salaire médian du pays, et de prévoir des modalités de revalorisation régulière et progressive qui accompagnent la convergence économique des Etats membres. Nous pensons que ce salaire minimum contribuera à la convergence économique vers le haut par opposition à une logique de dumping social à laquelle on assiste parfois aujourd'hui dans certains secteurs, qui pousse à un alignement social vers le bas.

Le rapport de Philip Cordery éclaire beaucoup de questions. Il est extrêmement documenté et formule des analyses et des propositions utiles. La rapport montre que dans ce contexte, un salaire minimum européen, quelle que soit sa forme, aurait de nombreux avantages : il minimiserait le risque que certains pays utilisent les salaires comme outil d'accroissement de leur compétitivité au détriment d'autres partenaires européens ; il permettrait d'éviter les comportements non coopératifs et le dumping social ; et aurait ainsi un effet positif sur l'économie et sur la compétitivité globale de la zone euro et de l'Union européenne dans son ensemble. Il relancerait l'Europe sociale alors que celle-ci patine, tout en étant un outil d'efficacité économique de la zone euro.

La Commission européenne a lancé une grande consultation publique sur la création d'un « socle européen des droits sociaux ». Celle-ci doit déboucher sur une proposition au printemps 2017. La France fera des propositions mais je peux d'ores et déjà vous dire que la mise en place d'un salaire minimum au sein de l'Union européenne sera l'un des points majeurs de la contribution française. Le rapport de Philip Cordery contribue donc aujourd'hui à enrichir le débat européen et notre propre contribution à une nouvelle impulsion européenne. Je l'en remercie.

Face à ceux qui veulent la défaire, mais aussi aux inquiétudes de nombreux citoyens, l'Europe doit se montrer plus forte, plus protectrice, plus juste et elle doit être ambitieuse en matière sociale pour répondre aux attentes des citoyens.

Je vous remercie.

La Sté Ministry of Foreign Affairs and International Development of the French Republic a publié ce contenu, le 19 October 2016, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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