Ellen Wulfhorst, Daniel Wallis et Edward McAllister

FERGUSON, Missouri, 26 novembre (Reuters) - L'indignation suscitée par le classement judiciaire de l'affaire Michael Brown a donné lieu à plusieurs dizaines d'arrestations dans la nuit de mardi à mercredi aux Etats-Unis, mais les émeutes ont été moins violentes que la veille à Ferguson, dans le Missouri, où ce jeune noir de 18 ans a été tué en août par un policier blanc.

Des manifestations ont notamment eu lieu à Boston, à New York, à Los Angeles et à Atlanta, tandis que de nouveaux heurts éclataient dans cette petite ville d'un peu plus de 20.000 habitants dans la banlieue de Saint-Louis.

Deux mille membres de la Garde nationale y ont été déployés pour aider la police à ce que les pillages et les incendies de la veille ne se répètent pas.

Plusieurs manifestants qui avaient bloqué mercredi le trafic à proximité de l'hôtel de ville de Saint-Louis ont été interpellés, portant à plus de 400 le nombre d'interpellations à travers les Etats-Unis lors de rassemblements contre le grand jury qui a décidé lundi de ne pas poursuivre le policier Darren Wilson pour la mort de Michael Brown le 9 août dernier.

A Ferguson, la police dit avoir procédé entre mardi soir et mercredi matin à 45 arrestations pour des délits mineurs. Les manifestants étaient moins nombreux et mieux encadrés que la veille, souligne-t-elle. Une douzaine de commerces avaient alors été incendiés, d'autres ont été pillés et des coups de feu ont retenti lors d'affrontements forces de l'ordre et manifestants qui ont donné lieu à une soixantaine d'arrestations.

"Globalement, c'était une nuit nettement meilleure", a estimé Jon Belmar, chef de la police du comté de Saint-Louis, ajoutant que les incendies et les coups de feux avaient été rares et que les violences n'étaient imputables qu'à un petit groupe d'individus.

A Boston, où un millier de personnes se sont rassemblées, la police fait également état mercredi de 45 arrestations.

A New York, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz au poivre pour disperser la foule qui tentait de bloquer le Lincoln Tunnel et de marcher sur Times Square et ont procédé à dix interpellations.

Un commissariat de Los Angeles a été la cible de jets de bouteilles et de divers projectiles et des manifestants ont tenté de dresser des barricades sur une voie rapide du centre.

Vingt-quatre personnes ont par ailleurs été arrêtées à Atlanta en marge d'une manifestation qui s'est globalement déroulée dans le calme.

"CONSCIENCE TRANQUILLE"

Barack Obama, qui avait demandé lundi soir aux Américains de "respecter" la décision du grand jury, a invité mardi soir ses compatriotes à engager un débat "constructif" sur les tensions raciales et le maintien de l'ordre aux Etats-Unis en réponse au drame de Ferguson, tout en promettant la fermeté contre les fauteurs de troubles.

"Les frustrations que nous avons vues ne sont pas seulement un incident isolé. Elles sont profondément enracinées dans de nombreuses communautés de couleur qui ont le sentiment que nos lois ne sont pas toujours appliquées de manière uniforme ou équitable", a-t-il ajouté, précisant qu'il avait chargé son ministre de la Justice, l'Attorney General Eric Holder, d'organiser une série de réunions dans tout le pays. (voir )

D'après une étude réalisée en octobre par l'agence de presse d'investigation ProPublica sur des données fédérales portant sur la période 2010-2012, le risque qu'un jeune homme afro-américain soit mortellement touché par balle par un policier est 21 fois plus élevé que pour un jeune homme blanc.

"Ferguson a mis en lumière les divisions raciales et les divisions de classe que les discours exaltants d'Obama ont éclipsées lors de sa campagne électorale miraculeuse de 2008", estime l'historien Peniel Joseph, fondateur du Centre d'étude des races et de la démocratie de l'université Tufts de Boston.

Dans une interview accordée à ABC News en partie diffusée mardi, le policier Darren Wilson dit avoir la "conscience tranquille" et estime avoir "effectué son travail dans les règles".

Selon les documents diffusés par les procureurs, Wilson, temporairement suspendu depuis le drame, a déclaré au grand jury qu'il s'était senti en danger de mort, plaidant ainsi la légitime défense.

"Je me suis senti comme un enfant de cinq ans s'accrochant à Hulk Hogan (ndlr, une légende du catch américain)", a-t-il déclaré aux douze jurés.

"Je n'en crois pas un mot", a réagi mercredi sur CBS la mère de Michael Brown, Lesley McSpadden.

Le jeune homme a été touché de six ou sept balles, dont la dernière à la tête. Dorian Johnson, qui se trouvait avec lui le soir de sa mort, a affirmé qu'il avait les mains en l'air lorsque le police a tiré. (Avec l'ensemble des rédations américaines; Jean-Stéphane Brosse, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)