(Actualisé avec ambassadeur russe)

par Michelle Nichols

NATIONS UNIES, 25 août (Reuters) - La Russie a annoncé jeudi qu'elle allait se concerter avec les Etats-Unis sur la réponse à apporter à un rapport des Nations unies concluant à l'usage d'armes chimiques par le régime syrien et le groupe Etat islamique.

Après une enquête d'un an, autorisée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, l'Onu et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a établi que l'armée du président syrien Bachar al Assad avait mené deux attaques au chlore dans deux villes de la province d'Idlib, à Talmenes le 21 avril 2014 et à Sarmine le 16 mars 2015.

Les enquêteurs ont aussi conclu que les djihadistes de l'EI avaient utilisé du gaz moutarde à Marea, dans la province d'Alep, le 21 août 2015.

"Nous avons un intérêt commun à décourager ce genre de choses de se produire, à empêcher ce genre de choses de se produire, même dans le chaos de la guerre", a déclaré l'ambassadeur russe à l'Onu, Vitali Tchourkine.

"C'est un rapport très complexe qui doit être étudié par les experts", a-t-il toutefois estimé.

Vitali Tchourkine a indiqué avoir discuté avec son homologue américaine, Samantha Power, de "ce qui peut être fait sur la base de ce rapport".

L'ambassadrice des Etats-Unis avait estimé un peu plus tôt dans un communiqué que les conclusions du rapport ne pouvaient pas rester sans conséquences.

"Il est essentiel que les membres du Conseil de sécurité se réunissent pour faire en sorte qu'il y ait des conséquences pour ceux qui ont utilisé des armes chimiques en Syrie", a souligné Samantha Power.

"Nous appelons fermement tous les Etats à soutenir une action ferme et rapide de la part du Conseil de sécurité", a-t-elle ajouté.

La France a également demandé par la voix du président François Hollande et de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, une "réaction à la hauteur de (la) gravité" de la part du Conseil de sécurité.

Les 15 membres du Conseil doivent discuter du rapport la semaine prochaine. Le rapport sera rendu public à l'issue de cette réunion, a indiqué le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

"PAS FORCÉMENT DE CONFRONTATION"

Vitali Tchourkine a estimé que la Russie et les Etats-Unis ne seraient pas nécessairement en désaccord sur les suites à donner au rapport, les deux pays étant à l'origine de la création du Mécanisme d'enquête conjoint de l'OIAC et de l'Onu.

"J'ai vu... que certains médias prédisent une confrontation entre la Russie et les Etats-Unis à ce sujet. Cela ne doit pas forcément être le cas, croyez-moi, parce que le (Mécanisme) est le résultat du travail commun des deux délégations", a déclaré l'ambassadeur russe.

La Syrie a accepté de détruire son stock d'armes chimiques en 2013 dans le cadre d'un accord conclu sous les auspices des Etats-Unis et de la Russie. Le Conseil de sécurité a soutenu cet accord par une résolution qui stipulait que, dans le cas où il ne serait pas respecté, des mesures seraient prises dans le cadre du chapitre 7 de la charte des Nations unies.

Le chapitre 7 traite des sanctions et de l'autorisation de la force militaire par le Conseil de sécurité. Celui-ci devra alors adopter une nouvelle résolution pour imposer des sanctions ciblées - des interdictions de visas et un gel des avoirs - à l'encontre des personnes et des entités responsables des attaques.

Toutefois, la Russie, alliée de la Syrie, et la Chine ont par le passé protégé le gouvernement syrien des sanctions onusiennes en mettant leur veto à plusieurs résolutions et notamment une qui prévoyait de transmettre le dossier syrien à la Cour pénale internationale (CPI).

Les enquêteurs de l'Onu et de l'OIAC se sont penchés sur neuf attaques menées dans sept régions de Syrie pour lesquelles il existait de fortes suspicions d'utilisation d'armes chimiques prohibées.

Outre les deux attaques attribuées au régime de Damas et celle imputée à l'EI, le rapport estime que trois autres attaques nécessitent un complément d'enquête.

Il s'agit d'attaques menées à Kafr Zita dans le gouvernorat de Hama le 18 avril 2014, Kmenas dans le gouvernorat d'Idlib le 16 mars 2015 et de Binnich dans le gouvernorat d'Idlib le 24 mars 2015.

Samantha Power a dit souhaiter que l'Onu et l'OIAC poursuivent leurs investigations dans ces affaires et dans toute autre attaque à l'arme chimique confirmée et mentionnée dans une enquête séparée de l'OIAC.

Le rapport du Mécanisme conjoint ne recommande en revanche pas de complément d'enquête dans trois autres cas, à Kafr Zita le 11 avril 2014 et à Al Tamanah les 29-30 avril 2014 et 25-26 mai 2014. (Danielle Rouquié et Tangi Salaün pour le service français)