(Actualisé avec libération prochaine d'Anwar Ibrahim, deux derniers paragraphes)

par Rozanna Latiff et Tom Allard

KUALA LUMPUR, 12 mai (Reuters) - Les autorités malaisiennes ont interdit à l'ex-Premier ministre Najib Razak et à son épouse de quitter le territoire national, samedi, alors même que, selon certaines sources, le nouveau chef du gouvernement, Mahathir Mohammad, a l'intention de rouvrir les enquêtes sur l'affaire du fonds souverain malaisien 1MDB, qui éclabousse Najib depuis 2015.

Najib Razak, qui a 64 ans, a déclaré samedi qu'il respecterait l'interdiction quitter le pays qui lui a été signifiée et qu'il resterait en Malaisie. Il avait auparavant annoncé sur Facebook qu'il partait avec sa famille à l'étranger pour de brèves vacances à partir de samedi et qu'il rentrait la semaine prochaine.

Peu après, les services de l'immigration annonçaient que Najib Razak et sa femme, Rosmah Mansor, avaient ordre de ne pas quitter la Malaisie.

"J'ai été informé que le département malaisien de l'immigration ne permettrait pas à ma famille ni à moi-même de nous rendre à l'étranger", a déclaré l'ex-Premier ministre dans un tweet après l'annonce de l'interdiction.

"Je respecte la directive et je resterai avec ma famille dans le pays", a-t-il ajouté.

Najib Razak, qui a perdu les élections législatives de mercredi face à Mahathir Mohamad, a annoncé samedi qu'il démissionnait de sa fonction de président du parti UMNO et de la présidence de l'alliance Barisan Nasional (BN), avec effet immédiat.

"Nous sommes tristes de voir ce qui s'est passé, mais, en tant que parti qui respecte les principes de la démocratie, nous acceptons le verdict populaire", a dit Najib.

Le nouveau Premier ministre Mahathir, qui a déjà occupé ce poste pendant 22 ans entre 1981 et 2003, a promis une enquête sur l'affaire de corruption de plusieurs milliards de dollars relative au fonds souverain malaisien Malaysia Development Berhad (1MDB), qui a été fondé par Najib Razak.

Celui-ci a toujours nié toute illégalité en lien avec 1MDB.

MAHATHIR DEVOILE SON GOUVERNEMENT

Mahathir Mohamad a été le mentor de Najib Razak avant de se retourner contre lui en raison de l'affaire 1MDB et de finalement battre mercredi la coalition qui a gouverné la Malaisie pendant six décennies.

Selon des informations qui ont filtré à partir de 2015, 700 millions de dollars auraient été volés à 1MDB et se seraient retrouvés sur les comptes bancaires personnels de Najib Razak.

Ce dernier a nié avoir agi illégalement et a été relaxé par le procureur général de Malaisie, alors même que les autorités américaines estimaient que plus de 4,5 milliards de dollars avaient été dérobés à la faveur d'une escroquerie orchestrée par un financier connu pour être proche de Najib Razak et de sa famille.

Le fonds souverain 1MDB fait l'objet d'enquêtes pour blanchiment d'argent dans au moins six pays, dont la Suisse, Singapour et les États-Unis. Selon des documents déposés par le ministère américain de la Justice dans un procès civil, près de 30 millions de dollars sur la somme manquante ont été utilisés pour acheter des bijoux pour Rosmah.

Deux sources ont déclaré à Reuters vendredi que Mahathir Mohamad s'apprêtait à nommer un conseiller du ministère des Finances pour superviser le recouvrement des sommes manquantes chez 1MDB.

Mahathir Mohamad a dévoilé samedi la composition de son gouvernement, au sein duquel Lim Guan Eng, ancien banquier, est nommé ministre des Finances. L'ancien vice-Premier ministre Muhyiddin Yassin obtient le portefeuille de l'Intérieur et Mohamad Sabu, opposant de longue date, celui de la Défense.

Parallèlement, la fille d'Anwar Ibrahim, ancien dirigeant politique appelé à succéder à Mahathir à la tête du gouvernement, a annoncé que son père serait libéré mardi de prison, où il purge une peine de cinq ans de réclusion pour sodomie, accusation qu'il rejette et juge politiquement motivée.

Avant les élections législatives du 9 mai, Mahathir, qui est désormais à 92 ans le plus vieux dirigeant élu au monde, avait fait savoir qu'il démissionnerait et confierait son poste de chef du gouvernement à Anwar Ibrahim lorsque celui-ci aurait bénéficié d'une grâce. Mahathir a déclaré vendredi que le souverain de Malaisie, le sultan Muhammad V, avait fait comprendre qu'il était disposé à accorder sans délai une grâce complète à Anwar, ce qui lui permettra de reprendre sa carrière politique. (Danielle Rouquié et Eric Faye pour le service français)