par Matt Spetalnick

WASHINGTON, 1er mars (Reuters) - Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est envolé dimanche pour les Etats-Unis où le discours qu'il prononcera mardi devant le Congrès menace de dégrader un peu plus ses relations avec Barack Obama.

Les négociations en cours sur le programme nucléaire iranien ont accentué les divisions entre Obama et Netanyahu, qui estime que dans ce dossier susceptible de "décider de notre vie ou de notre mort", les grandes puissances, Etats-Unis en tête, ont trahi leur promesse d'empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.

"Je pars à Washington pour une mission fatidique, historique même. J'ai le sentiment d'être l'émissaire de tous les citoyens d'Israël, même de ceux qui sont en désaccord avec moi, et de tout le peuple juif", a-t-il dit sur le tarmac de l'aéroport de Tel Aviv.

"J'éprouve une inquiétude profonde et sincère sur la sécurité de tous les citoyens d'Israël et sur le sort de notre pays et de notre peuple. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour garantir notre avenir", a-t-il poursuivi.

A Washington, l'administration Obama ne décolère pas face à ce qu'elle considère comme un affront à sa diplomatie alors que se poursuivent les négociations entre l'Iran et le groupe du P+1 (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine, Russie et Allemagne). La prochaine réunion est prévue jeudi à Montreux, en Suisse, moins de quarante-huit heure après le discours que Netanyahu aura prononcé au Congrès à l'invitation du président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner.

Les deux gouvernements s'emploient parallèlement à affirmer que la coopération bilatérale dans des dossiers cruciaux comme la lutte contre le terrorisme, le renseignement et la cybersécurité n'est pas affectée et ne le sera pas.

Mais cette rupture, qui s'ajoute aux relations personnelles difficiles entre Obama et Netanyahu, pourrait avoir un impact réel. Comme le résume un ancien responsable américain: "Evidemment, quand Netanyahu appellera la Maison blanche, Obama répondra. Mais avec quelle célérité répondra-t-il à une crise ?"

Le mois dernier, des responsables de l'administration américaine ont accusé le gouvernement israélien d'avoir fait fuiter des informations de nature à nuire aux négociations en cours avec l'Iran et ont décidé de limiter à l'avenir le partage d'informations sensibles sur le sujet.

VISITE POLITISÉE

L'une des raisons pour lesquelles les derniers développements dramatisent les relations entre les deux pays tient à ce que Netanyahu, en répondant à une invitation que Boehner a lancée sans consultation préalable de la Maison blanche, rompt avec la longue tradition israélienne veillant à ménager démocrates et républicains.

Sous couvert d'anonymat, un responsable américain parle d'une visite "politisée" qui menace "ce qui assure la force même de notre relation". Et une vingtaine de parlementaires démocrates, selon des pointages officieux, pourraient boycotter son discours.

Obama a refusé pour sa part de le recevoir à la Maison blanche en raison de la trop grande proximité des élections législatives israéliennes, le 17 mars. Pas question, a-t-il expliqué, de donner l'impression qu'il s'immisce dans la campagne électorale.

Netanyahu, lors de son discours, devrait exhorter le Congrès à voter de nouvelles sanctions contre l'Iran, et ce, même si Obama a indiqué qu'une telle législation saboterait les discussions avec Téhéran et qu'il userait de son droit de veto pour la mettre en échec.

Recourant à un langage inhabituellement sévère, Susan Rice, la conseillère nationale à la sécurité d'Obama, a déploré cette semaine que Netanyahu introduise un biais partisan "non seulement malheureux mais aussi destructeur pour la structure même de nos relations".

Netanyahu interviendra aussi lundi devant l'AIPAC, le Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes, un groupe de pression soutenant Israël aux Etats-Unis.

Mais le Premier ministre israélien devrait s'employer à éviter que les relations dégénèrent. Son entourage a fait savoir le mois dernier que le texte de son discours au Congrès pourrait être modifié dans une voie d'apaisement.

Et nul ne croit que l'administration Obama pourrait abandonner Israël dans l'éventualité d'un nouveau conflit contre le Hamas palestinien ou le Hezbollah libanais. "N'oublions pas que les Etats-Unis ont besoin de tous leurs alliés au Moyen-Orient", note Aaron David Miller, ancien négociateur pour le Moyen-Orient qui a travaillé tant pour des administrations démocrates que républicaines. (avec Dan Williams à Jérusalem; Henri-Pierre André pour le service français)