Les deux groupes discutent avec des représentants de l'Etat des propositions du PDG de l'alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn, qui se traduiraient par une perte d'influence de Paris sur Renault et par le fait que le constructeur automobile français renonce à contrôler Nissan, selon trois sources proches du dossier.

Ce projet se heurte toutefois encore à des obstacles importants - en raison notamment de son extrême sensibilité politique en France - et n'a pas obtenu à ce stade l'approbation du gouvernement et du chef de l'Etat Emmanuel Macron, ont-elles ajouté.

Un porte-parole de Renault-Nissan a déclaré que "toute discussion au sujet de transactions sur des titres impliquant Renault, Nissan ou l'Etat français (relevait) d'une pure spéculation" et que l'alliance n'avait "pas pour projet de modifier le ratio d'actionnariats croisés" de ses membres.

Une source au ministère de l'Economie et des Finances a de son côté indiqué : "On dément totalement que l'Etat français soit prêt à revendre ses parts à Nissan."

Renault est conseillé par BNP Paribas et Nissan par Nomura sur le projet, qui pourrait soit prendre la forme d'un rapprochement plus large entre les deux groupes, soit constituer simplement une étape sur cette voie, ont en outre indiqué les sources interrogées par Reuters. Les deux banques n'ont pas réagi à ce sujet.

Carlos Ghosn a également proposé une structure intermédiaire qui verrait le management de Renault, Nissan et de Mitsubishi Motors placé directement sous la supervision d'une fondation néerlandaise, ce qui serait ainsi le prélude à une fusion complète au sein d'un groupe mondial intégré basé à Amsterdam.

"Pour le gouvernement, la fondation néerlandaise n'est pas une option", a cependant déclaré la source à Bercy.

L'ACTION RENAULT CLÔTURE EN TÊTE DES HAUSSES DU CAC 40

Le titre Renault a clôturé en hausse de 5,64% à 94,44 euros, enregistrant la plus forte progression du CAC 40.L'alliance Renault-Nissan, qui repose sur un système de participations croisées, a connu des hauts et des bas depuis sa création en 1999, une intégration plus complète s'étant régulièrement heurtée au veto de l'Etat français, premier actionnaire de Renault.

Mais maintenant que Carlos Ghosn, le principal architecte de l'alliance, entame son dernier mandat à la tête de Renault, Paris plaide pour un renforcement de la structure, devenue l'an dernier le plus grand constructeur automobile mondial, afin de garantir sa pérennité.

L'Etat français a récemment indiqué à des représentants de Carlos Ghosn qu'il était prêt à sortir de Renault ou à céder sa participation dans le capital du groupe dans le cadre d'un accord de fusion garantissant les intérêts français, selon plusieurs sources proches des discussions.

Renault, qui détient 43,4% de Nissan, a accepté de limiter son influence sur son partenaire japonais, dans le cadre d'un accord conclu en 2015 qui a permis de désamorcer un conflit avec le gouvernement français. Nissan détient pour sa part une participation majoritaire de 34% dans Mitsubishi et de 15% dans Renault, mais sans droit de vote.

En vertu du droit boursier japonais, Renault perdrait tous ses droits de vote chez Nissan si la part du constructeur japonais atteignait ou dépassait les 25% dans le capital du français.

Cependant, toute tentative de la France de vendre tout ou partie de sa participation dans Renault pourrait s'avérer politiquement risquée pour Emmanuel Macron, l'Etat étant régulièrement accusé de laisser filer à l'étranger des fleurons industriels, comme lors de l'annonce de la fusion d'Alstom, le constructeur du TGV, avec le groupe allemand Siemens.

Au-delà de sa dilution et de sa perte d'influence, la France reste préoccupée par les conséquences potentielles d'un tel rapprochement sur les centres technologiques, les emplois industriels et des recettes fiscales d'un groupe dont le siège social serait situé à l'étranger, souligne-t-on de mêmes sources.

Ainsi, pour être approuvé par l'Etat, ce projet devra comporter d'importantes concessions en matière d'emploi, d'investissements, de représentation au conseil, avec peut-être également à la clef une forme d'action spécifique ("golden share") permettant à la France de mettre son veto lors de décisions stratégiques majeures.

(Avec la contribution de Norihiko Shirouzu à Pékin, Michel Rose et Gilles Guillaume à Paris, version française Jean-Michel Bélot et Benjamin Mallet, édité par Matthieu Protard)

par Pamela Barbaglia, Arno Schuetze et Laurence Frost