(Actualisation: remarques d'un représentant du gouvernement français, précisions sur les activités des deux groupes, contexte sectoriel et nouveaux cours de Bourse).

Les équipementiers de télécommunications Nokia (>> Nokia Oyj) et Alcatel-Lucent (>> Alcatel Lucent) ont annoncé mardi être à un stade avancé de négociations en vue de fusionner, une opération qui créerait un nouvel acteur mondial des réseaux face au suédois Ericsson (ERIC-B.SK) et au chinois Huawei Technologies (>> Huawei Technology Co Ltd).

La transaction prendrait la forme d'une "fusion complète", avec le lancement d'une offre publique d'achat de Nokia sur Alcatel-Lucent, ont indiqué les deux groupes. Il n'y a pour l'instant aucune certitude que les négociations aboutiront à une transaction, ont-ils précisé.

Il n'était pas certain pour l'heure que les deux groupes se soient entendus sur la valorisation. La capitalisation boursière d'Alcatel-Lucent s'élève à environ 11 milliards d'euros, contre 28 milliards pour Nokia.

A la Bourse de Paris, le titre Alcatel-Lucent grimpait de 10% à 4,26 euros à 11h00, tandis que l'action Nokia perdait 6,9% à 7,24 euros à Helsinki.

Des années de spéculations

Une fusion entre Nokia et Alcatel-Lucent mettrait fin à des années de spéculations autour d'un possible rapprochement entre les deux groupes. L'opération transformerait le secteur des équipementiers télécoms en créant un nouvel acteur au chiffre d'affaires 2014 cumulé de 25,9 milliards d'euros et employant plus de 100.000 personnes dans des activités allant des communications sans fil au routage Internet.

Le numéro un du secteur, le suédois Ericsson, a dégagé l'an dernier un chiffre d'affaires de 25,1 milliards d'euros, devant le chinois Huawei dont les revenus ont atteint 23,6 milliards d'euros sur la base d'un taux de change moyen sur l'année.

L'américain Cisco (>> Cisco Systems, Inc.), concurrent d'Alcatel-Lucent dans le routage Internet, a pour sa part affiché un chiffre d'affaires de 47,1 milliards de dollars pour son exercice clos à la fin juillet.

Un probable débat politique en France

Un rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia pourrait pourrait faire l'objet d'un débat politique en France. Les responsables français prônent l'idée de la création de géants paneuropéens compétitifs au plan mondial, comme le groupe franco-allemand Airbus (>> AIRBUS GROUP). Mais Alcatel-Lucent est aussi un gros employeur et un groupe emblématique en France.

Selon un représentant du gouvernement français, tout accord impliquant Alcatel-Lucent devra probablement être structuré de sorte à maintenir une influence française significative au sein de la nouvelle entité pour que l'opération soit acceptée à Paris.

Une porte-parole du ministre de l'Economie Emmanuel Macron n'a pas souhaité faire de commentaire.

Le calendrier d'une éventuelle opération reste difficile à déterminer, mais les deux groupes feront face à leurs actionnaires au cours des prochaines semaines. Nokia tiendra son assemblée générale annuelle le 5 mai, et Alcatel-Lucent, le 26 mai.

Une décennie de fusions, de cessions et d'acquisitions

Une telle combinaison regrouperait deux groupes émergeant à peine d'une difficile vague de consolidation il y a près d'une décennie. A l'époque, ils pâtissaient d'une guerre des prix avec des groupes chinois. Depuis, Huawei a environ triplé le chiffre d'affaires de son activité de vente d'équipements aux groupes de télécommunications.

La division d'équipements de télécommunications de Nokia a connu des années de difficultés lorsqu'elle faisait partie d'une coentreprise avec le groupe allemand Siemens (>> Siemens AG), ce qui s'est traduit par des vagues de suppressions d'emplois et une restructuration pour renouer avec les bénéfices. Nokia a racheté en 2013 la part de Siemens dans la nouvelle entité, désormais rentable, après avoir conclu un accord avec le géant américain Microsoft (>> Microsoft Corporation) pour lui céder son activité de téléphones mobiles.

Entre temps, Alcatel-Lucent, a mis en oeuvre plusieurs plans de restructuration et de cessions d'actifs pour régler son problème de consommation de trésorerie. Ce n'est qu'en 2015 que le groupe, issu de la fusion, en 2006, du groupe français Alcatel et de l'américain Lucent Technologies - lui-même séparé d'AT&T (T) - est enfin sur le point de dégager un flux de trésorerie positif.

Un impact fort sur le marché américain

Une telle opération permettrait à Nokia d'augmenter sa part de marché face à Ericsson (ERIC-B.SK) dans l'activité concurrentielle et rentable du sans fil aux Etats-Unis, où Alcatel-Lucent a des racines historiques et des liens de longue date avec Verizon Communications (>> Verizon Communications Inc.) et AT&T. Cela lui donnerait également accès à l'activité à forte croissance de routage Internet d'Alcatel-Lucent, qui fait partie des sources de bénéfices du groupe sur lesquelles les analystes misent pour sa croissance future. Depuis la restructuration de Nokia, l'activité d'équipement du groupe se concentre uniquement sur les réseaux sans fil.

L'activité sans fil d'Alcatel-Lucent est un point délicat. Sa part de marché diminue progressivement, notamment en raison de la perte de contrats en Europe. Les dépenses massives des opérateurs aux Etats-Unis et en Chine sur de nouveaux réseaux LTE à grande vitesse débit a soutenu ses revenus ces dernières années, mais maintenant que la cadence diminue, le chiffre d'affaires de la division s'est replié de 9% sur un an au quatrième trimestre.

-Sam Schechner, Dow Jones Newswires (Juhana Rossi a contribué à cet article.)

(version française Maylis Jouaret, Blandine Hénault et Aurélie Henri) ed/EC