"Quel regard portez-vous sur le parcours des actions de la zone euro depuis le début de l’année ?
Ce début d’année a été caractérisé par une certaine volatilité des indices. Deux principales corrections ont été enregistrées depuis janvier, liée aux craintes portant sur « les pays à forte dynamique de croissance » pour la première et aux tensions entre la Russie et l’Ukraine pour la seconde. Ces périodes de repli ont cependant été relativement courtes.

Il a également été possible de relever une vive fluctuation des titres, à la hausse comme à la baisse, suite aux publications de résultats annuels. Les reculs ont été prononcés pour les sociétés desquelles les investisseurs attendaient des perspectives de croissance très solides, essentiellement de grands groupes aux valorisations relativement élevées, exposés à l’international et à la grande consommation. Des rallyes parfois marqués se sont dessinés pour les entreprises qui ont confirmé leurs objectifs de moyen terme.

En tendance, les actions de la zone euro devraient encore tirer leur épingle du jeu en partie grâce à la dynamique des flux ?

La conjoncture s’améliore globalement au sein de la région, notamment dans les pays du sud. A 14 fois les bénéfices anticipés pour cette année, la valorisation des actions de la zone euro demeure légèrement inférieure à celle des actions américaines.
Les investisseurs s’orientent ainsi vers les actions de la zone euro pour leur potentiel de revalorisation. Ce soutien des flux devrait perdurer alors que les injections de liquidités ont vocation à rester malgré tout abondantes du côté des banques centrales, qu’il s’agisse de la Réserve fédérale américaine ou de la Banque centrale du Japon.

Quels principaux risques identifiez-vous ?

Les récents évènements géopolitiques sont venus quelque peu réduire la visibilité des investisseurs à court terme.
Cependant, à moyen terme, les regards seront entre autres fixés sur l’évolution de la situation des « pays à forte dynamique de croissance », comme la Chine. Un changement de modèle de développement au sein de la deuxième puissance mondiale, vers plus de consommation domestique et moins de crédit a conduit à un certain ralentissement. Les dernières données économiques du pays, notamment les exportations, ont créé des tensions palpables. Les craintes sur la vigueur de la croissance se sont accentuées.

D’autres économies majeures rencontrent des difficultés, comme le Brésil qui doit faire face à une inflation élevée et à une chute du cours de sa devise.

La force de l’euro est également un point à surveiller de près ?
A 1,38, le niveau de la parité euro-dollar est pénalisant pour les sociétés européennes exportatrices.
Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur le comportement de la BCE au cours des prochains mois. Dernièrement, la Banque centrale de Chine a doublé la marge de fluctuation quotidienne du yuan et provoqué sa dévaluation face au dollar après plusieurs années d’appréciation. Une guerre des monnaies pourrait progressivement s’installer.

A ce stade, tablez-vous sur des mesures additionnelles de la BCE ?
Les taux se situent à un niveau historiquement bas en zone euro. La reprise économique semble s’y confirmer même si elle reste légère et se matérialisera progressivement. Des réformes conséquentes sont mises en œuvre en Italie et en Espagne et certains pays vulnérables ont été en mesure d’émettre de nouveau sur le marché obligataire, comme l’Irlande et le Portugal.
Si la BCE devait intervenir, ce serait vraisemblablement par le biais de mesures non conventionnelles.

En quoi consiste votre stratégie d’investissement dans cet environnement ?

Les rendements procurés par les actifs obligataires poursuivant leur déclin, les investisseurs tendent à se tourner vers les actions en vue d’obtenir des rendements potentiellement plus élevés.
Dans ce contexte, une stratégie consistant à sélectionner des entreprises qui présentent des politiques de distribution de dividendes pérennes et des niveaux de valorisation raisonnables a du sens. Nous favorisons des sociétés offrant une croissance annuelle des bénéfices supérieure à 5% et un rendement du dividende de plus de 3,5%.

Pourriez-vous nous livrer trois convictions majeures ?
Nous apprécions Total. La société capitalise 9,5 fois ses résultats estimés pour 2014, soit moins que ses pairs alors que la visibilité sur son activité est bonne. Ses objectifs en termes de production ont été confirmés, à 3 millions de barils par jour après 2017. Ses coûts opérationnels sont destinés à diminuer, permettant une multiplication de la trésorerie par 5 d’ici 3 ans, à 15 milliards de dollars.
Aujourd’hui le dividende versé correspond à un rendement de 5%. Nous pensons qu’il devrait progressivement s’accroître.

Une deuxième conviction est Siemens. Le conglomérat occupe une place majeure dans plusieurs segments d’activité : l’industrie, l’automatisation, l’énergie, les équipements médicaux. 55 % du chiffre d’affaires est réalisé dans les pays émergents. Un processus de recentrage sur les métiers les plus stratégiques a été entamé à l’été 2013 avec l’arrivée de nouveaux dirigeants. Les divisions les moins rentables devraient être cédées, donnant lieu à des rachats d’actions successifs.
Le rendement du dividende de plus de 3% devrait augmenter.

Nous pouvons également mentionner GDF Suez. Une certaine inquiétude était affichée sur le fait que le dividende versé correspondait à 100% du bénéfice. Le développement de l’activité paraissait avoir été mis de côté au profit d’un retour de la liquidité aux actionnaires.
Les dirigeants ont communiqué sur une évolution plus pertinente de la stratégie dans la cadre de la publication des résultats. Le pourcentage de résultat reversé aux actionnaires a été réduit alors qu’un plancher de dividende à 1 euro a été avancé.
D'un autre coté les dépenses d’investissements liées à la transition énergétique seront accrues. Qui plus est, des contrats majeurs ont été remportés en Asie. La dynamique bénéficiaire devrait par conséquent s’améliorer.

Depuis quand êtes-vous investis sur ces titres ?

Nous détenons Total et GDF Suez depuis plusieurs mois. Nous avons toujours eu une forte exposition à Total. Nous avons renforcé notre ligne GDF Suez le jour de la publication des résultats.
Nous avons introduit Siemens il y a quelques semaines.

Quel est leur potentiel de rebond ?

Total et Siemens pourraient gagner 20 % à moyen terme, tout comme GDF Suez.

Sur quelles valeurs faudrait-il redoubler de vigilance ?
Nous cherchons à éviter les sociétés dont le rendement élevé du dividende s’explique simplement par la forte contraction de leurs cours de bourse.
Des questions pouvaient se poser il y a peu sur le secteur des télécoms, par exemple sur Orange. Tel n'est plus vraiment le cas à présent.

Quels sont les derniers mouvements que vous avez effectués dans votre fonds ?

Nous avons initié Siemens et Unilever et avons vendu Cegid suite à sa forte progression. Nous l'avons arbitré en faveur de valeurs offrant plus de potentiel.
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