* Le président s'oppose à la nomination d'un eurosceptique au gouvernement

* Le M5S demande la destitution du président

* De nouvelles élections semblent probables (Déclarations supplémentaires du M5S et de la Ligue)

par Steve Scherer et Crispian Balmer

ROME, 27 mai (Reuters) - Giuseppe Conte, choisi par le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste) et la Ligue (extrême-droite) pour occuper la fonction de président du Conseil, a renoncé dimanche à former un gouvernement, après que le président italien a refusé d'accepter l'économiste Paolo Savona comme ministre des Finances en raison de son hostilité pour l'euro et les institutions européennes.

Cette décision pourrait déclencher une crise constitutionnelle et semble rendre inévitable la tenue de nouvelles élections législatives cette année.

Le président de la République, Sergio Mattarella, a été accusé par les dirigeants du M5S et de la Ligue d'avoir trahi la constitution et de répondre aux ordres des puissances européennes.

Luigi Di Maio, chef de file du M5S, qui a remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement lors des élections du 4 mars mais n'a pas obtenu de majorité, a demandé la destitution de Mattarella.

"J'ai accepté toutes les nominations, sauf celle de ministre de l'Economie", a déclaré le chef de l'Etat lors d'une allocution télévisée au ton grave.

"Pour ce ministère, j'ai demandé aux partis de la coalition une personnalité politique autoritaire n'étant pas considérée comme partisane d'une ligne qui pourrait provoquer la sortie de l'Italie de la zone euro", a ajouté Mattarella.

Quelques instants après cette allocution, un ancien haut responsable du Fonds monétaire international (FMI), Carlo Cottarelli, a été convoqué par le chef de l'Etat pour une réunion lundi matin.

"ABSURDITÉ"

Ce rendez-vous pourrait signifier que Mattarella compte demander à Cottarelli de former un gouvernement de transition composé de techniciens et chargé d'élaborer avant la fin décembre le budget 2019, notamment pour éviter une hausse automatique de la TVA en cas de creusement du déficit.

Les marchés, inquiétés par la constitution d'un gouvernement eurosceptique dont la politique menacerait les fragiles finances publiques italiennes, pourraient être rassurés par l'éventuelle nomination de Cottarelli.

Si le gouvernement venait à ne pas obtenir le soutien du Parlement, il resterait en place pour expédier les affaires courantes et de nouvelles élections seraient organisées en septembre ou en octobre.

D'après les derniers sondages, de nouvelles élections pourraient profiter à la Ligue, qui a remporté 17% des voix en mars, mais ne permettraient pas de sortir de l'impasse.

Le dirigeant de la Ligue, Matteo Salvini, a réagi avec colère à la décision de Sergio Mattarella de ne pas accepter que Paolo Savona prenne le portefeuille de l'Economie.

"Si Berlin, Paris ou Bruxelles ne donne pas son accord, un gouvernement ne peut pas être formé en Italie. C'est une absurdité, et je demande au peuple italien de nous soutenir parce que je veux ramener la démocratie dans ce pays", a-t-il dit à des journalistes.

Luigi Di Maio a demandé que le Parlement vote la destitution de Sergio Mattarella.

"Ce soir, il est vraiment difficile de croire en nos institutions et aux lois de l'Etat", a dit le dirigeant du M5S.

"CONFLIT INSTITUTIONNEL SANS PRÉCÉDENT"

Il faut que le président soit destitué pour haute-trahison parce qu'il a agi sous la pression étrangère, a déclaré le dirigeant du parti nationaliste Frères d'Italie, qui avait noué pour les élections une alliance avec la Ligue et Forza Italia.

"C'est un conflit institutionnel sans précédent", a déclaré Matteo Salvini dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook.

Avant même la fin de la réunion entre Mattarella et Conte dimanche, le dirigeant de la Ligue avait annoncé, sans confirmer le veto présidentiel, que la seule solution désormais était la tenue de nouvelles élections législatives.

"Dans une démocratie, si nous sommes toujours en démocratie, il n'y a qu'une seule chose à faire, laisser les Italiens avoir leur mot à dire", a dit Salvini devant des partisans rassemblés dans le centre de l'Italie.

Avant l'annonce du retrait de Giuseppe Conte, Paolo Savona avait tenté de répondre aux inquiétudes liées à ses positions.

"Je veux une Europe différente, plus forte, mais plus équitable", a déclaré dimanche l'économiste de 81 ans dans ses premiers commentaires publics.

Moody's Investors Service a annoncé vendredi avoir placé la note à long terme Baa2 de l'Italie sous surveillance avec implication négative. L'agence de notation craint les retombées sur les finances publiques des projets budgétaires de la nouvelle coalition au pouvoir. (Avec Stephen Jewkes, Giuseppe Fonte, Massimiliano di Giorgio et Valentina Za, Jean Terzian pour le service français)