Hausse mondiale

La persistance des risques géopolitiques a alimenté régulièrement le marché de l’or noir depuis plusieurs mois. En effet, l’instabilité politique de certains pays producteurs (Libye) ou qui possèdent une position stratégique (Egypte), menace l’offre mondiale ; tensions qui se retrouvent immédiatement dans les cours du pétrole.
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Depuis quatre mois, la production de l’OPEP connaît une légère réduction, due à la baisse des livraisons de barils de la part de l’Irak, du Nigeria et de la Libye. Cette diminution ne se trouve pas compensée par le relèvement de la production de l’Arabie Saoudite.
Malgré un ralentissement de la croissance mondiale, principalement dans les pays émergents, la demande reste soutenue en Chine, essentiellement due à la consommation d’essence des voitures.

Plus les risques géopolitiques persistent, plus les investisseurs prennent des positions longues car souvent elles permettent une couverture des portefeuilles diversifiés, en cas de choc brutal.
Pourtant, cette distorsion des cours ne devrait être que temporaire. Preuve en est, les contrats à terme de décembre 2018 pour les deux références ont peu évolué et cotent sous les prix au comptant, avec un gain depuis le début d’année de seulement 3% contre plus de 14 % pour les prix spot. Signe que les investisseurs demeurent sereins sur la stabilité des prix dans le temps.

Le moteur à la hausse trouve, également, une justification dans la situation structurelle du marché américain.


Cushing et les stocks influencent le « spread »

Historiquement, le WTI cote au dessus des prix du Brent. La raison se trouve dans la qualité du pétrole, plus léger, et par conséquent plus facile à raffiner. Mais depuis la crise mondiale (voir graphique). Les courbes entre le contrat coté à New York (WTI) et celui négocié à Londres (Brent) se sont inversées.

C’est à Cushing, une petite ville de l’Etat de L’Oklahoma, dans le centre des Etats-Unis, que se trouvent les motifs intrinsèques des variations du WTI.
Un peu d’histoire. En 1912, les premiers puits de pétrole voient le jour à proximité de cette bourgade mais très vite la production va s’estomper et resteront, par conséquent, les installations de pipeline ; c’est pour ceci que les stocks de pétrole sont regroupés autour de cette ville et une grande partie de la production américaine se trouve rassemblée dans ces entrepôts à ciel ouverts. D'ailleurs, pour estimer les stocks, on se fie aux vues aériennes.

C’est actuellement le lieu de livraison pour tous les contrats à terme négociés sur le NYMEX (New York Mercantile Exchange). Ce centre de stockage, qui appartient à quatre compagnies privées, sert exclusivement aux Etats-Unis, il devrait, donc, ne jouer qu’un rôle secondaire dans l’établissement des prix mondiaux et pourtant le WTI reste malgré tout, une référence planétaire.
En  2010, l’augmentation et le développement de l’extraction du pétrole de schiste couplée à une conjoncture économique en difficulté, avaient entrainé un sur-stockage des barils de brut, et par conséquent, une dégradation des cours du WTI.

La situation normalisée fait apparaitre un « spread »  à l’avantage du WTI excepté depuis 2010 avec la crise économique et la paralysie des stocks américains à Cushing




La véritable problématique réside dans le manque de logistique. Cette carence handicape la fluidité des transferts pour les raffineurs situés principalement sur la cote du Golfe du Mexique. C’est dans cette optique que Seaway, un tube reliant Houston à Cushing fut construit. De plus, un oléoduc reliant le Canada au sud du Texas en passant par Cushing (Keystone expansion) devrait voir le jour mais le projet se trouve bloqué, pour l’instant, par des associations environnementales.

Projet d'amélioration de l'infrastructure en pipeline (Canada-sud du Texas en passant par Cushing)




Depuis le début d’année, la reprise économique américaine a néanmoins aidé à l’accélération du désengorgement de Cushing, ce qui a entrainé une hausse du prix du contrat coté à New York. Ce dernier réagissait, par ailleurs, aux événements géopolitiques mondiaux même s’il en est moins sensible que le Brent.

La configuration du « spread » revient dans un schéma de normalisation avec un équilibre des prix entre les deux contrats qui devrait perdurer. L’accroissement de la production de pétrole non-conventionnel devrait être compensé par un élargissement et une modernisation du réseau pipeline. Cette nouvelle situation devrait neutraliser les causes domestiques des variations du prix du WTI.