(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Le nouveau président de la Fed attendu au tournant

* Les tensions commerciales sont palpables

* L'inflation se fait toujours désirer

* "Dot plots" et courbe de Phillips au coeur des débats

* La Banque d'Angleterre également dans l'actualité

par Patrick Vignal

PARIS, 19 mars (Reuters) - Première réunion monétaire, première conférence de presse et vraisemblablement première hausse de taux : le nouveau président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, s'apprête à cumuler les baptêmes du feu dans un contexte marqué par l'apaisement des craintes d'une accélération de l'inflation mais aussi par la détermination de Donald Trump à ériger des barrières douanières.

L'intervention, mercredi, du successeur de Janet Yellen s'annonce particulièrement ardue, même si un réveil brutal des prix qui conduirait la banque centrale américaine à durcir sa politique n'est plus d'actualité, jusqu'à la prochaine alerte.

Une autre menace est apparue entre-temps avec la volonté manifestée par Donald Trump de taxer certaines importations, ce qui pourrait peser sur les marges des entreprises américaines en augmentant leurs coûts de production, sans parler des effets potentiellement dévastateurs d'éventuelles représailles, notamment de la part de la Chine.

Qu'il choisisse de s'exprimer ou non sur la question, Jerome Powell ne manquera pas d'être interrogé sur un dossier brûlant qui a valu au président américain des mises en garde de la part des milieux d'affaires et même de son conseiller au commerce.

Si les marchés considèrent comme pratiquement acquis que l'institut d'émission annoncera mercredi le relèvement d'un quart de point de l'objectif des "fed funds", tout le monde se demande combien de hausses suivront cette année.

LES TAUX SE DÉTENDENT

La Fed avait dit tabler sur trois hausses en tout en 2018 mais les intervenants des marchés comme les économistes misent désormais plutôt sur quatre après des signes de tensions sur les salaires qui ont provoqué la brusque poussée de la volatilité observée début février sur les marchés.

Les indicateurs publiés depuis, dont dernièrement l'indice des prix à la consommation pour le mois de février, suggèrent toutefois un tassement de l'inflation, ce qui a pour conséquence de faire refluer les rendements des emprunts d'Etat et de redonner de l'attrait aux actifs risqués.

La détente sur le front des taux est assez nette puisque celui des Treasuries à 10 ans reflue vers 2,81%, s'éloignant un peu plus du pic à près de 2,96% touché le 21 février. Il reste donc à distance respectable du seuil de 3,5%, considéré par de nombreux analystes comme susceptible de provoquer un "krach" qui se propagerait aux autres classes d'actifs.

Les Etats-Unis connaissent pourtant une situation proche du plein emploi et certains économistes se demandent où a donc bien pu passer la courbe de Phillips, qui témoigne historiquement d'une hausse de l'inflation quand le chômage baisse.

"Comme il est improbable qu'un mécanisme largement constaté disparaisse, l'hypothèse la plus plausible est que la courbe de Phillips a baissé et s'est aplatie, l'inflation réagissant plus lentement et moins fortement à la baisse du chômage", tranche Philippe Weber, co-responsable des études et de la stratégie chez CPR Asset Management.

À POWELL DE JOUER

La balle est donc maintenant dans le camp de Jerome Powell, qui avait surpris les investisseurs fin février en livrant une vision optimiste de l'économie lors de sa première intervention publique, devant la commission des Services financiers de la Chambre des représentants.

Les craintes d'une accélération de l'inflation entraînant une hausse des taux et la baisse de la valorisation des actions avaient été aussitôt relancées, ce qui avait conduit le nouveau président de la Fed à corriger lui-même le tir deux jours plus tard en déclarant qu'aucun élément probant ne témoignait d'une inflation salariale ou d'une surchauffe de l'économie.

Si les propos de Jerome Powell sont très attendus, les marchés surveilleront surtout l'évolution des 'dot plots', ce graphique qui identifie par des points ('dots') les anticipations de hausse de taux des différents membres du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC).

Pour les experts de CPR-AM, ces 'dots' devraient signaler quatre hausses de taux en 2018, en comptant celle attendue pour la semaine prochaine, avec un point d'interrogation sur l'impact de ces quatre hausses sur la valorisation des marchés actions.

De nombreux gérants et stratèges considèrent que les marchés financiers campent toujours dans un 'sweet spot', autrement dit un petit coin de paradis pour les actifs risqués avec une croissance forte associée à une inflation contenue.

TRUMP CRÉE ENCORE DES REMOUS

"Aucun choc matériel n'est venu pour l'instant faire dévier l'économie mondiale du 'sweet spot' où elle se trouve depuis une bonne année", souligne ainsi Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF. "Il y a assez de croissance de l'activité pour exercer une pression baissière sur le chômage, avec des effets induits positifs pour la confiance. Il n'y en a pas trop, ce qui risquerait de tendre les prix et les salaires et d'effrayer les banques centrales."

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes sans quelques risques significatifs, à commencer par la volonté de Donald Trump d'accélérer sur la voie du protectionnisme.

Après avoir dénoncé l'accord de partenariat transpacifique (TPP), le président américain a remis en cause l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna) puis imposé des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium. Il songerait désormais, selon deux sources approchées par Reuters, à sanctionner les importations chinoises.

Ce virage protectionniste a provoqué la démission du conseiller économique de la Maison blanche, Gary Cohn, qui vient d'être remplacé par Larry Kudlow, ce dernier ayant déclaré que la Chine avait "bien cherché" la riposte économique qui couve à Washington.

Donald Trump, encore lui, vient par ailleurs de provoquer une certaine inquiétude sur les marchés en limogeant le secrétaire d'Etat Rex Tillerson pour le remplacer par le directeur de la CIA, Mike Pompeo, un ancien officier de l'armée américaine issu de l'aile droite du Parti républicain et considéré comme très virulent à l'égard de la Corée du Nord et de l'Iran.

Les Etats-Unis en général, et leur président en particulier, ont pris l'habitude d'attirer sur eux les feux de l'actualité mais la Grande-Bretagne aura tout de même droit à un peu de lumière jeudi avec la réunion monétaire de la Banque d'Angleterre (BoE). Les marchés s'attendent à ce qu'elle ne touche pas à son taux directeur cette fois-ci mais le relève en mai puis encore une fois avant la fin de l'année.

Les incertitudes liées au Brexit reculant, certains membres de la BoE sont partisans d'un resserrement monétaire plus rapide et plus agressif. Ils seront attentifs à la publication de plusieurs indicateurs britanniques dont l'inflation, mardi, les chiffres de l'emploi et des salaires, mercredi, et les ventes au détail, jeudi.

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