par Sinead Carew

NEW YORK, 28 mai (Reuters) - "Vendez en mai puis partez" est sans doute l'aphorisme le plus rebattu de Wall Street mais il semble bien que nombre de fonds mutuels américains le suivent encore à la lettre cette année.

L'indice S&P-500 a donné un rendement global, c'est-à-dire en prenant en compte les dividendes réinvestis, de 10,8% ces derniers six mois, une puissante incitation aux prises de bénéfice.

Les psychodrames politiques et des valorisations copieuses poussent à l'évidence certains investisseurs à faire exactement cela. Les fonds américains ont procédé à une décollecte de plus de 17 milliards de dollars sur les actions américaines depuis le début du mois, montrent des données du spécialiste Lipper, dont 10,1 milliards sur la seule dernière semaine, ce qui représente la seconde décollecte en importance cette année.

D'autres investisseurs vont à contre-courant et veulent faire mentir la devise. "Disons qu'il faudrait acheter en mai et vendre en novembre", dit Chris Zaccarelli (Cornerstone Financial Partners), qui s'appuie davantage sur de bonnes perspectives économiques mondiales que sur la politique voulue par le président américain Donald Trump.

Pour lui, Trump aura beaucoup de mal à faire adopter son programme économique par un parti républicain gravement divisé et il en déduit que vendre plus tard dans l'année sera plus judicieux.

"Si on passe l'année sans que Washington ait fait quoi que ce soit (...) on sera quelque peu déçu", dit-il. "Et cette déception ne se manifestera qu'en novembre ou en décembre parce ce n'est qu'alors qu'on aura réalisé qu'il ne s'est rien passé".

UNE MÉTHODE QUI MARCHE

L'habitude de vendre en mai s'est bien installée à Wall Street et repose sur le fait qu'habituellement la période novembre-mai est plus propice que les autres six mois de l'année. Et apparemment, elle donne de bons résultats.

Au cours des 20 dernières années, un investissement de 100 dollars dans le S&P sur la période novembre-avril en aurait rapporté 243 de plus, alors que le même investissement durant la période mai-octobre aurait perdu 1,5 dollar, selon Bespoke Investment Group.

De 1928 à 2017, 100 dollars investis sur la période novembre-avril se seraient multipliés pour atteindre 4.270 dollars, alors que sur la péiode mai-octobre le résultat final aurait été seulement de 257 dollars, toujours d'après Bespoke.

Durant la période estivale "tout ralentit et on s'attend à un pic de volatilité; cela s'accompagne en général d'un coup de mou sur le marché", observe Paul Hickey (Bespoke Investment Group), qui ne vendra pas maintenant parce qu'il reste "positif vis-à-vis des actions".

D'autres éléments qui peuvent expliquer la relâche estivale sont la tendance qu'ont les entreprises à tenir des réunions avec les analystes susceptibles de doper l'action au début ou en fin d'année, une révision à la baisse des projections trop optimistes des analystes vers le milieu de l'année et au contraire un coup de pouce juste avant la période commerciale des fêtes de fin d'année, constate Linda Bakhshian (Federated Investors).

John Augustine (Huntington National Bank) a choisi lui aussi de ne pas suivre la tradition et au contraire d'investir dans les petites et moyennes capitalisations qui sous-performent les grosses capitalisations depuis le début de l'année.

L'indice Russell 2000 des "small caps" n'a gagné que 1,8% depuis le début de l'année contre 7,8% pour le S&P-500, 6,6% pour le Dow Jones et 15,3% pour le Nasdaq Composite .

"Pour vendre, il faut une Fed (Réserve fédérale NDLR) qui soit plus volontariste que prévu, accompagnée de statistiques économiques plus faibles que prévu. Une telle combinaison se traduirait par des dégagements cet été mais le marché n'y croit pas trop, à la suite du compte rendu de la Fed de cette semaine, estimant que la Fed restera accommodante cet été", observe Augustine.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français)