par Pascale Denis et Matthieu Protard

PARIS, 27 août (Reuters) - A la tête de la branche européenne du fonds Colony Capital, qu'il a rejoint en 1997, Sébastien Bazin s'est forgé au fil des années une image de redoutable négociateur connu pour son franc-parler.

Financier et spécialiste de l'immobilier, ce père de quatre enfants au physique de garçon sage et au regard bleu acier a la réputation d'assumer son "job" de création de valeur pour le fonds américain et de dire leur fait, sans détours, aux patrons jugés rétifs.

Aux interrogations qui ne manquent pas de surgir sur ses motivations, certains évoquent "une véritable envie de passer à l'opérationnel et de relever le défi, dans un groupe qu'il connaît comme sa poche" et racontent sa tournée des administrateurs d'Accor opérée pendant l'été pour les convaincre qu'il était l'homme de la situation.

Preuve de son intérêt pour l'hôtellerie : le nouveau PDG d'Accor a acquis un petit hôtel vieillot à Méribel, qu'il a transformé en établissement quatre étoiles et baptisé "Le Savoy".

Mais son arrivée aux commandes du groupe ne manque pas de susciter l'inquiétude chez les syndicats, qui redoutent un démantèlement du numéro un européen de l'hôtellerie.

Ces craintes sont d'autant plus vives qu'ils gardent en mémoire sa tentative avortée de scission des actifs immobiliers de Carrefour, au printemps 2011.

Il devra démontrer qu'il est l'homme de la situation pour Accor, qui a connu pas moins de trois patrons au cours des huit dernières années.

"C'est un pur financier qui a piloté les entreprises dans une optique de court terme et de plus-value pour l'actionnaire", réagit Dejan Terglav, responsable du syndicat Force ouvrière qui l'a bien connu chez Carrefour.

"Il a une très mauvaise image auprès des salariés, celui de quelqu'un qui va chercher à démanteler le groupe Accor, en gardant la marque et le siège et en opérant les hôtels en franchise", poursuit le syndicaliste.

D'origine bretonne et fils d'un administrateur de biens, Sébastien Bazin, 51 ans, s'est familiarisé avec la finance aux Etats-Unis ainsi qu'en Grande-Bretagne, après des études sans relief particulier. Ancien élève du lycée Saint-Jean-de-Passy à Paris, il est titulaire d'une licence d'économie et d'une maîtrise de gestion.

"QUAND IL JOUE, C'EST POUR GAGNER"

"Bazin est quelqu'un de dur qui n'a pas d'état d'âme", relate un spécialiste du capital-investissement qui l'a côtoyé. "Mais il n'a jamais dirigé une entreprise de sa vie."

"C'est un challenge personnel", confie-t-on dans son entourage. "Il fait un saut dans l'opérationnel."

Celui qui a "usé" plusieurs grands patrons, notamment chez Accor et Carrefour, aime la compétition. "Il est très bon golfeur et quand il joue, c'est pour gagner", commente un de ses proches.

A son actif, Sébastien Bazin a été à l'origine de la création d'Edenred, né de la scission des activités de services d'Accor et qui a été un succès boursier.

Mais sa carrière a aussi été marquée par deux échecs.

A la tête du Paris Saint-Germain, il n'a pas réussi à valoriser l'immobilier du Parc des Princes.

Surtout, chez Carrefour, où il a convaincu Bernard Arnault, PDG de LVMH, d'investir avec pour objectif d'externaliser l'immobilier du groupe de distribution. Le projet a échoué, et Colony et Groupe Arnault accusent encore de lourdes pertes sur leur investissement.

* Accor-Bazin PDG, un homme du fonds Colony maître à bord (Edité par Dominique Rodriguez)

Valeurs citées dans l'article : ACCOR, CARREFOUR, EDENRED, LVMH