Moscou (awp/afp) - Les nouvelles sanctions imposées à la Russie par les Etats-Unis ont provoqué un mouvement de panique lundi parmi les investisseurs, qui ont fui massivement les entreprises russes, fragilisant un producteur d'aluminium crucial pour la consommation mondiale, Rusal.

Depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et la première vague de sanctions occidentales, les marchés russes n'avaient pas connu une telle journée noire: l'indice RTS de la Bourse de Moscou a dégringolé de 11,44% et le Micex de 8,34%.

Le rouble a chuté sous des seuils symboliques, effaçant face à l'euro près de deux ans de progression.

Mais la déroute a été bien au-delà des seules sociétés et hommes d'affaires sur liste noire de Washington. Selon le quotidien russe RBK, les 50 hommes d'affaires les plus riches du pays ont perdu quelque 12 milliards de dollars en une journée.

Confronté à ce vent de panique boursière généralisée sur les marchés, le Premier ministre, Dmitri Medvedev, a dû monter au créneau pour assurer que le gouvernement soutiendrait les entreprises visées par ce nouveau train de mesures punitives, qui constituent une escalade d'une violence inattendue dans la confrontation entre Moscou et Washington.

Moscou ayant promis une réponse "dure", elles pourraient entraîner une nouvelle surenchère.

"Cette histoire est scandaleuse au vu de l'illégalité (de ces sanctions), au vu de la violation de toutes les normes", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Au total, ces sanctions, censées punir Moscou notamment pour ses "attaques" contre "les démocraties occidentales", ciblent 38 personnes et entreprises qui ne peuvent plus faire affaire avec des Américains, notamment sept Russes désignés comme des "oligarques" proches du Kremlin par l'administration de Donald Trump, présents dans des dizaines de sociétés en Russie comme à l'étranger.

Parmi ces multimilliardaires figure Oleg Deripaska et les actifs sous son contrôle: les holdings Basic Element et En+ mais aussi Rusal, un des premiers producteurs mondiaux d'aluminium, dont il représente environ 7% de la production totale, au risque de perturbations dans les approvisionnements de ce secteur à l'échelle de la planète.

A la Bourse de Hong Kong, où ce géant est coté, l'action de Rusal a perdu 50% de sa valeur, soit plus de 3,5 milliards d'euros partis en fumée.

Le groupe a prévenu que les sanctions "pourraient aboutir à un défaut technique sur certaines obligations du groupe", affirmant évaluer "l'impact de tels défauts techniques sur sa position financière".

- 'C'est dur' -

"Ce n'est pas facile", a reconnu le groupe sur Facebook. "C'est dur, mais nous allons surmonter cela".

Au-delà de l'entreprise, qui joue un rôle majeur sur les marchés des matières premières, le prix de l'aluminium a connu sa plus forte hausse en trois ans sur la Bourse des métaux de Londres, le LME.

Oleg Deripaska, 50 ans et déjà proche du clan de Boris Eltsine dans les années 1990, a déclaré que son inclusion dans la liste était "désagréable mais anticipée": "les raisons de me mettre sur la liste des sanctions sont complètement dépourvues de fondements, ridicules et simplement absurdes".

Sa holding En+, "suspendue temporairement" par l'autorité financière lundi matin, avait perdu près de 42% de sa valeur dans l'après-midi. Elle avait débuté en fanfare sa cotation à Londres en novembre 2017, première société russe à s'y introduire depuis les sanctions de 2014.

"Ces sanctions ciblent ceux qui ont beaucoup d'importance dans le système et qui ont le pouvoir de l'influencer", a commenté l'éditorialiste du journal indépendant Novaïa Gazeta, Ioulia Latynina. "La riposte des Etats-Unis condamne la Russie à la crise économique et à la dégradation".

Plusieurs économistes ont relativisé l'impact de ces sanctions sur l'économie russe, sortie fin 2016 de deux ans de récession due aux sanctions précédentes et à la chute des prix des hydrocarbures. Selon eux, l'économie russe a appris à vivre sous sanctions.

Mais au-delà des entreprises directement sanctionnées, ce sont la majorité des actions russes qui ont souffert, le géant public bancaire Sberbank perdant par exemple 20%.

Les investisseurs craignent des restrictions sur leur accès au marché russe "ce qui provoque cette pression de vente... pas maintenant mais, qui sait, à l'avenir", a expliqué à l'AFP Oleg Kouzmine, analyste à la société financière Renaissance Capital.

afp/rp