Le programme de stabilité présenté mercredi en conseil des ministres, qui vise notamment à éviter des sanctions européennes, repose ainsi sur des hypothèses de progression du produit intérieur brut pour 2015 qui comportent des fragilités, selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Quant à celles pour la période 2016-2017, elles sont jugées optimistes par l'organisme indépendant dans son avis publié mercredi matin.

Avec son nouveau programme, le gouvernement veut réduire les déficits tout en améliorant la compétitivité des entreprises pour enrayer la baisse de l'emploi, au prix de 50 milliards d'euros d'économies déjà détaillées.

"Nous savons que c’est une stratégie exigeante, qui demande du courage de la part de tous mais c’est une stratégie qui est à la mesure des enjeux", a déclaré le ministre des Finances, Michel Sapin, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

Ces économies, qui doivent passer par un gel temporaire des prestations sociales et du point d'indice de la rémunération des fonctionnaires, font l'objet d'un vif débat au sein du Parti socialiste, qui va jusqu'à menacer l'issue du vote sur le programme de stabilité le 29 avril à l'Assemblée nationale.

"ENCHAÎNEMENT HARMONIEUX"

Des députés PS ont tenté mardi de convaincre le Premier ministre, Manuel Valls, d'adoucir son plan par des gestes en faveur des petites retraites et des bénéficiaires de prestations sociales et ont dit avoir été "entendus".

Le gouvernement compte sur une accélération de la croissance, à 1,0% cette année et 1,7% l'an prochain, pour ramener le déficit public de 4,3% du PIB fin 2013 à 3,8% en 2014 et 3,0% en 2015, atteignant dans les temps la limite européenne.

Après avoir flirté avec l'idée de demander à nouveau du temps pour redresser les comptes comme le réclame la gauche du PS, le gouvernement a donc décidé de viser 3,0% l'an prochain, décalant seulement son objectif précédent qui était de 2,8%.

Le déficit public serait réduit par la suite à 2,2% en 2016 et 1,3% en 2017. La dette publique serait stabilisée à 95,6% du PIB l'an prochain et reculerait à partir de 2016 pour atteindre 91,9% fin 2017.

Le Haut Conseil a jugé réaliste la prévision de croissance actualisée pour 2014 - la précédente se situait à 0,9% - et estimé que celle de 2015 n'était pas hors d'atteinte.

Mais le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui préside le HCFP, a relevé que cette dernière reposait "sur un enchaînement harmonieux, vertueux de toutes les hypothèses positives et favorables" qui pourraient ne pas se concrétiser.

Il a jugé en particulier que la croissance pourrait ne pas être aussi riche en emplois que ne le prévoit le gouvernement, "avec les conséquences que cela peut avoir à la fois sur la situation de l’emploi et sur la situation des finances publiques".

Pour lui, le même raisonnement peut être tenu pour 2016 et 2017, années pour lesquelles le gouvernement table désormais sur une croissance annuelle de 2,25% contre 2% auparavant.

LA RÉACTION DE LA COMMISSION ATTENDUE

Le programme motive cette révision à la hausse notamment par l’effet du pacte de responsabilité, qu'il estime à 0,5 point de PIB sur chacune de ces années. Le pacte se traduirait par ailleurs selon lui par la création de 190.000 emplois.

La Commission européenne, qui a ouvert une procédure pour déficit excessif contre la France en 2009, devrait se prononcer le 2 juin sur le programme de stabilité. Selon une source européenne, l'ouverture d'une procédure de sanction ne peut être exclue si la Commission estime que la France ne parviendra pas à remplir ses engagements.

Une telle décision dépendra de la volonté de la Commission sortante de marquer le coup envers la France, qui a déjà obtenu l'an dernier un délai de deux ans pour revenir dans les clous, ou au contraire de laisser le soin à la nouvelle équipe installée après l'été d'évaluer l'ampleur des efforts entrepris.

La difficulté de revenir dans les limites des traités européens se double de celle de le faire tout en mettant en place le "pacte de responsabilité et de solidarité" promis aux partenaires sociaux, qui doit financer une baisse additionnelle du coût du travail et de la fiscalité sur les entreprises et les contribuables modestes.

Le but est de conforter la reprise de l'économie car le retour de la croissance est une condition sine qua non du redressement des comptes publics et de doper l'emploi pour faire reculer un chômage record, après l'échec de l'objectif de François Hollande de le faire avant fin 2013.

En attendant, pour tenir le déficit cette année, des projets de lois de finances rectificatives pour l'Etat et la sécurité sociale seront présentés avant l'été, qui viseront à réaliser 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires.

(Jean-Baptiste Vey et Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)