Pierre Moscovici,membre de la Commission.- Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux de pouvoir débattre en séance plénière avec vous sur ce sujet important, que j'ai eu l'occasion de discuter régulièrement avec le groupe de travail créé il y a quelques mois au sein du Parlement européen.

Permettez-moi de commencer par quelques nouvelles que je qualifierais de plutôt rassurantes, sur le front économique en Grèce. Le pays a connu au second trimestre une croissance de 0,2 %, et nous prévoyons que cette tendance continue, ce qui fait qu'au total, la croissance devrait rester légèrement négative en 2016. Mais, comme je l'avais déjà annoncé, le second semestre va être un semestre de croissance légèrement positive et cette tendance devrait se renforcer significativement l'année prochaine. Il est trop tôt pour donner des prévisions précises; ce sera fait d'ici à quelques semaines. On en est aux prévisions d'automne pour l'ensemble de l'Europe et de la zone euro. Les déboursements dans le cadre du programme devraient, en effet, contribuer à assurer la liquidité nécessaire à la reprise de l'activité économique et donc, notre prévision est plutôt confortée.

Sur le plan budgétaire, les développements de cette année ont également été plutôt encourageants. Sur la base des données dont nous disposons concernant l'exécution du budget 2016, atteindre l'objectif d'un surplus primaire de 0,5 % du PIB devrait être faisable pour Athènes en 2016. Nous pouvons donc dire que ce que nous avons mis sur les rails est en train d'avancer positivement.

J'en viens à présent, plus précisément, aux négociations liées au programme d'ajustement. Trois points sont à relever pour ce qui concerne les développements de ces derniers mois. D'abord, la première révision du programme s'est partiellement conclue, vous vous en souvenez, au printemps, ce qui a permis à l'Eurogroupe du 25 mai - qui restera, je crois, une date importante - de marquer son accord politique sur un nouveau déboursement de 10,3 milliards d'euros. Je m'en réjouis. Une première sous- tranche de 7,5 milliards d'euros, la principale, a été versée en juin. Une partie de la deuxième sous-tranche, qui représente 1,1 milliard d'euros, est conditionnée à l'adoption d'une série de milestonesqui devrait être complétée cette semaine; je vais y revenir bien sûr. L'autre partie de la deuxième sous-tranche, donc les 1,7 milliard d'euros restant, doit, pour sa part, servir à réduire les arriérés de paiement de l'État au bénéfice des fournisseurs ou des sous-traitants et donc, en réalité, de l'économie réelle. Voilà pour le premier point.

Ensuite, des initiatives législatives majeures ont été prises dans pratiquement tous les domaines de l'économie, et c'est ce qui était prévu dans le cadre du protocole d'accord qui est notre référence partagée. Le gouvernement a ainsi adopté des mesures permettant des économies budgétaires de 3 % du PIB sur la période 2016-2018, mesures qui incluent entre autres une réforme de l'impôt sur le revenu pour 1 % du PIB ainsi qu'une profonde réforme du système des retraites pour 1 % du PIB également. Pour améliorer la perception de l'impôt, une nouvelle agence indépendante pour la perception des revenus publics a été établie. C'était un point auquel nous tenions substantiellement. Cela n'a pas été le plus facile à obtenir, mais c'est maintenant chose faite. Ces mesures ont été accompagnées de réformes structurelles tout à fait significatives. Elles concernent notamment les crédits non performants pour restaurer ce qui est indispensable à la stabilité du système bancaire pour relancer le financement des entreprises. Des mesures ont aussi été prises pour améliorer l'environnement des entreprises, y compris la mise en œuvre des mesures recommandées par l'OCDE en matière de concurrence. Des initiatives législatives ont été adoptées concernant l'utilisation des terres, la libéralisation du marché de l'énergie, l'établissement d'un nouveau fonds de privatisation et d'investissement pour lutter contre la corruption, soit un autre point majeur du protocole d'accord adopté en juillet 2015. Nous voulions aussi renforcer l'indépendance de la Commission et les lignes de concurrence pour dépolitiser l'administration publique. Tout ceci constitue un ensemble de mesures extrêmement fortes.

C'est vrai, il faut le dire, qu'aucun État membre ne conduit autant de réformes en parallèle. Il est vrai qu'aucun État membre n'a besoin de conduire autant de réformes simultanément. L'ensemble de l'Eurogroupe a marqué sa satisfaction de voir que la Grèce va dans la bonne direction. Je veux le faire bien sûr, moi aussi, au nom de la Commission.

Enfin, troisième et dernier point, nous sommes en train d'évaluer actuellement les progrès sur les derniers milestonesdont je vous ai parlé, qui sont la condition pour le déboursement de la première sous-tranche restante du programme et, par conséquent, aussi la deuxième. Des mesures auraient dû être prises pour mi-septembre dans les domaines de la réforme des retraites, de la gouvernance des banques, de la libéralisation du marché de l'énergie ou encore de la privatisation et de l'agence indépendante des revenus publics. Il s'agit donc de finaliser ces réformes qui sont déjà adoptées sur le principe. Après des débuts relativement lents, il faut le dire - lenteurs que nous avons attribuées à la pause de l'été -, les autorités grecques ont accéléré le mouvement depuis le début du mois de septembre et, sincèrement, j'espère que nous pourrons conclure sur ce point lors de l'Eurogroupe du 10 octobre. C'est vous dire qu'il reste très peu de jours pour conclure. Nous sommes le 5, il y a aussi, en parallèle, les assemblées générales du Fonds monétaire international, qui vont se tenir à partir de demain. Je profite donc de cette tribune pour lancer un appel au gouvernement grec. Il est d'importance capitale que nous puissions conclure sur ce point d'ici à lundi, date de l'Eurogroupe à Luxembourg.

Je passe à présent aux étapes à venir. L'enjeu après cela, car je compte bien que cela soit fait, sera de lancer et de conclure la seconde révision du programme dans un délai raisonnable. Ce délai raisonnable pour moi - je l'ai dit à plusieurs reprises, au premier ministre Tsipras, au ministre Tsakalotos, aux autres ministres dans les domaines économiques -, c'est novembre. Le succès de cette révision est essentiel alors que l'économie grecque donne des signes de reprise. Nous ne faisons pas des réformes pour le plaisir, nous faisons des réformes pour remettre l'économie grecque sur les rails, pour rendre plus performante la structure de cette économie, pour recréer la confiance qui est indispensable à l'attractivité et donc au retour des investisseurs, car c'est une économie ouverte qui a besoin d'investissements. Par conséquent, il y a là du gagnant-gagnant. C'est une démarche positive qui doit être conclue.

Une conclusion dans les délais prévus, à savoir novembre - je le rappelle -, serait aussi le signal de cette normalité économique tant attendue par les investisseurs. Une mission va donc débuter en Grèce dès mi-octobre. Notre objectif reste de conclure l'ensemble d'ici à la fin de l'année. La seconde révision, de quoi sera-t-elle constituée? Elle va se concentrer sur la mise en œuvre des réformes adoptées. On peut donc considérer qu'avec la fin de la première, le plus gros aura été fait mais, comme on dit en français, le diable se cache parfois dans les détails.

C'est la raison pour laquelle la deuxième révision ne sera pas pour autant aisée. Les sujets-clés vont inclure notamment le budget 2017, le cadre pour l'insolvabilité des entreprises, la réforme du marché du travail et la mise en place de ce fameux fonds de privatisation et d'investissement, qui est vraiment une clé pour déverrouiller l'économie grecque.

Il faut reconnaître qu'au fil des années - et ce n'est pas le propre de ce gouvernement, c'est une constante depuis malheureusement assez longtemps - la mise en œuvre a été le point faible des programmes d'ajustement grec précédents. L'approche de la Commission sera équitable, objective et, vous le sentez, elle est positive. Je revendique le fait que cette Commission ait toujours été hostile à la perspective d'un Grexit et toujours favorable à la recherche de solutions. Mais, en même temps, le fait que nous soyons positifs ne signifie pas que nous soyons bénévolents ou indulgents à l'excès. Nous sommes exigeants avec les autorités grecques. Tous les ministères devront manifester un engagement plein et entier en faveur du programme pour assurer le succès des réformes adoptées, et le sentiment que nous pouvons avoir est que ce n'est pas forcément toujours le cas. Il y a en quelque sorte quelques ministères de tête qui vont de l'avant et quelques autres, dont on a parfois l'impression qu'il serait utile de les pousser à aller plus vite.

Il est temps que la partie européenne - car nous ne devons pas être uniquement exigeants avec la partie grecque -, nous tous et les partenaires qui sont inclus dans l'Eurogroupe assument de leur côté leurs responsabilités en spécifiant les mesures de dettes à court terme. Je sais que c'est très attendu en Grèce, et je trouve cela parfaitement légitime dès lors que le travail sur les réformes aura été fait et complété. Il est temps aussi que le programme s'oriente plus nettement vers la croissance et l'emploi. Le gouvernement, je le sais, élabore actuellement une stratégie de croissance pour les années à venir. Celle-ci devra être complétée de mesures sociales et nous en sommes aussi conscients. Le programme prévoit ainsi le déploiement du mécanisme du revenu minimal garanti l'année prochaine. Si cela se fait dans le cadre des équilibres financiers prévus par le protocole d'accord, je pense que nous pouvons tous considérer que le fait d'allier justice sociale à l'investissement et aux réformes témoigne d'une bonne politique. La Commission fait aussi tout ce qu'elle peut pour mobiliser les Fonds européens. Nos services fournissent ainsi une assistance technique pour soutenir les réformes structurelles. L'engagement des autorités pour assurer la mise en œuvre des projets financés, pour éviter les irrégularités et pour mieux utiliser l'assistance technique reste d'une importance capitale.

Voilà, en quelques minutes, l'état des lieux, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés. Vous voyez que nous avançons, vous voyez que nous sommes sortis de la période de très grande difficulté où le Grexit menaçait, mais vous voyez aussi que le travail sur les réformes doit continuer d'avancer pour que ce qui fut et ce qui est encore un problème, une difficulté, pas seulement pour la Grèce mais pour l'Europe, se transforme en - pardonnez-moi cet anglicisme - success story.

C'est vraiment ce que je souhaite, c'est ce à quoi la Commission est engagée et c'est ce à quoi, pour ma part, je continue de dédier une bonne partie de mon énergie politique, de mon capital politique parce que je pense que vraiment nous avons tous intérêt à ce que la Grèce sorte plus forte de cette crise et trouve toute sa place dans la zone euro, comme j'ai eu l'occasion de le dire, comme tout simplement une économie normale.

La Commission est pleinement engagée pour assurer le succès du programme pour aider la Grèce à trouver le chemin d'une croissance soutenable et le chemin de la création d'emplois. Je sais que c'est ce que la population grecque attend, c'est ce que la jeunesse grecque attend et par-delà, encore une fois, les sensibilités politiques que nous pouvons avoir sur ce sujet, c'est pour la population et pour la jeunesse que nous avons le devoir d'agir pour leur offrir un avenir meilleur.

La Sté Parlement Européen a publié ce contenu, le 25 mai 2018, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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