"Quel regard portez-vous sur l’évolution des marchés actions européens ?
Nous vivons actuellement une grave crise politique. Sur le fond, la situation économique et financière de la zone euro est meilleure que celle des autres grandes zones économiques matures. Le déficit agrégé de la zone euro est plus faible que celui des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. De même en est-il de la dette publique. Le taux d’épargne est par ailleurs plus élevé sauf dans quelques pays comme l’Espagne ou l’Irlande. Le problème est davantage un problème de gouvernance, de manque de capacité des politiques de prendre des décisions.
Nous sommes loin de voir la mise en œuvre du plan adopté le 21 juillet. Tous les parlements nationaux n’ont pas voté.
Les déclarations des politiques sont contradictoires et intempestives. Il y a un manque d’efficacité et de cohérence. Or le marché déteste l’incertitude et le fait ressentir.

Sur quel scénario tablez-vous concernant la Grèce ?

Il faut rapidement trancher entre un défaut partiel qui est largement intégré et le plan décidé en juillet stricto sensu. Dans l’absolu, l’exposition de la dette grecque est largement gérable pour n’importe quelle banque. Même si l’on mettait la Grèce en défaut total, cela ne serait pas une catastrophe pour le secteur bancaire. Néanmoins nous ne sommes pas à l’abri d’un effet d’entrainement sur les autres pays de la périphérie du fait d’un manque de fermeté des autorités politiques.

Comment voyez-vous la suite des évènements sur le Cac ?

On ne peut être qu’inquiet en voyant les taux avec lesquels l’Italie et l’Espagne se refinancent. Si la situation venait à se dégrader dans ces deux pays, on serait incontestablement face à un problème majeur. D’un autre coté, il y a une telle pression sur les politiques que l’on peut espérer savoir dans les jours prochaines quel traitement sera réservé à la Grèce. Le fait que le FESF va être ratifié dans la plupart des pays Européens d’ici la fin du mois ce qui devrait rassurer
De ce fait, on peut attendre à court terme un rebond du marché grâce à cette meilleure visibilité.

Vous fiez-vous à l’analyse technique ?

Je m’en sers à la marge mais uniquement sur le marché américain car il est directeur.

Dans un tel environnement sur quels indicateurs vous concentrez-vous ?
Sur l’évolution des taux de refinancement des pays périphériques et sur les CDS des pays matures. Et bien entendu, sur toute décision crédible qui pourrait être prise par les dirigeants de la zone euro.

Sur quel horizon d’investissement vous situez-vous ?
Cela dépend de l’atteinte de l’objectif de cours. Il y a des titres de conviction que je détiens depuis plusieurs années et d’autres que je peux délaisser assez rapidement.

A quelle hauteur êtes-vous investi actuellement sur le marché actions ?

A hauteur de 85%. Le fonds est un fonds actions peable. Il doit au moins être exposé à hauteur de 75%.

Quelles sont vos principales convictions du moment ?

J’ai une typologie de valeurs axée sur la croissance et la qualité, autrement dit des valeurs qui présentent des retours sur capitaux employés élevés. Ces valeurs ont plutôt tendance à mieux résister que les autres en période de crise.

Une première société que nous pouvons mentionner est Ipsos. La croissance est structurellement supérieure au PIB. Le segment des études par enquête sur lequel s’inscrit Ipsos est assez résiliant même en période d’essoufflement. Cela représente un budget assez faible par rapport à l’ensemble du budget marketing des entreprises. Quand les choses vont mal, il est assez fondamental pour les grandes sociétés de connaitre l’opinion des clients finaux, de palper si des évolutions se dessinent.
Structurellement, Ipsos connait une hausse de sa rentabilité grâce à une collecte online de plus en plus importante qui permet des couts plus faibles. Le positionnement sur les pays émergents, portés par une consommation grandissante, a vocation à être renforcé avec le rachat de Synovate, un concurrent anglais. Il y a, de plus, un potentiel d’amélioration de la marge de la cible. Nous visons un potentiel de cours entre 35 et 40 euros.
Les principaux risques liés à la valeur résident dans la dégradation de la conjoncture économique et dans la cannibalisation des sources d’information numériques. Ceci étant, Ipsos a su afficher une certaine résistance en 2009 comparativement à d’autres sociétés. La croissance organique n’avais reculé que de 5%.

Une autre société que nous aimons bien est Biomérieux. La société de diagnostic, leader mondial de la microbiologie, est particulièrement robuste. Sa base installée croissante de machines lui assure une hausse régulière des ventes. Même si l’austérité en Europe pèse sur la croissance, la volonté des classes moyennes dans les pays émergents (25% des ventes) d’accéder à un certain bien-être va assurer une croissance des dépenses de santé à long terme. La société va bénéficier de nombreux lancements de produits en 2012 et 2013 avec une nouvelle version de son best-seller Vidas, un produit de diagnostic portable auprès des patients et une plateforme de diagnostic moléculaire. A 9,5 fois le résultat d’exploitation n’est pas le plus bon marché aujourd’hui, mais reste très décoté par rapport à son historique (13 fois) alors que les résultats ont toujours progressé y compris en 2008/09.

Enfin, Vilmorin, le 4ème semencier mondial est également une valeur que nous apprécions. La société est assise sur des tendances de long terme très favorables car les populations émergentes voient leur alimentation se rapprocher de la nôtre. Une plus grande consommation de viande entraîne une augmentation plus que proportionnelles de céréales alors que les surfaces agricoles ne cessent de baisser. Les rendements agricoles doivent donc progresser ce que les semences permettent à un coût moindre que les engrais et produits phytosanitaires. Le groupe a atteint une croissance organique de près de 10% en 2010/11. Sa marge est un peu bridée par les dépenses de recherches destinées à monter en valeur ajoutée et à développer une filière du blé OGM US, mais ces investissements seront payants à long terme. L’an prochain, des hausses de prix consécutives à la bonne tenue des matières agricoles offriront un certain levier opérationnel. Le risques auquel est confronté la société est lié à la menace sur la PAC en Europe.
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