Patrick Drahi, le professionnel du LBO

Patrick Drahi est un des grands professionnels du Levaraged Buy-Out : il fait partie des individus qui ont continuellement recours au marché de la dette pour réaliser leurs opérations (il a d’ailleurs créé sa première entreprise à 28 ans avec un prêt étudiant). Avec Drahi, le LBO français prend une toute nouvelle ampleur. Grâce à ses succès précédents, le magnat des télécoms français peut se permettre des LBO toujours plus gros. L’opération du rachat de SFR a d’ailleurs constitué la plus importante opération de LBO jamais réalisée en France.
Le groupe est aujourd’hui endetté à hauteur de 30 milliards d’euros et est toujours prêt à encore lever des fonds en vue de nouvelles acquisitions (ils étaient déjà en négociation avec des banques pour un prêt de 10 milliards d’euros en vue d’acheter Bouygues Télécom). Ce niveau d’endettement n’inquiète pas les investisseurs qui ont une confiance énorme dans les projets industriels du polytechnicien et qui se battent pour prêter à Altice. Par exemple, la demande des investisseurs sur le marché obligataire lors du rachat de SFR s’est élevée à 72 milliards d’euros pour seulement 13.5 milliards nécessaires.
Drahi parvient toujours à limiter le taux d’endettement de son entreprise. Par exemple, lors du rachat de SFR, il a procédé à une augmentation de capital de Numericable de 4.7 milliards d’euros pour financer une partie de la nouvelle acquisition. La philosophie d’Altice prône un endettement jamais supérieur à 5 fois le résultat opérationnel, qui d’après Drahi serait la définition d’un endettement « prudent ».
Enfin, Altice peut compter sur le soutien des plus grandes banques mondiales, comme le pool bancaire JP Morgan, Goldman Sachs et Deutsche Bank qui a piloté le rachat de SFR.
 


Altice et ses marques affichent des performances boursières inédites

Le succès d’Altice repose sur deux points : c’est en premier sa capacité à augmenter les marges des entreprises rachetées. En effet, un LBO réussi repose sur la capacité de ces dernières (appelées les cibles) à générer des flux de trésorerie suffisants pour rembourser la dette. Ensuite c’est sa capacité à faire monter les cours de bourse de ses entreprises. Patrick Drahi s’est forgé une solide réputation et a obtenu une véritable confiance de la part des marchés.
On peut observer sur les graphiques ci-dessous la corrélation entre augmentation de la dette d’Altice et l’augmentation de son cours de bourse. C’est donc un des moyens pour relativiser l’importance de la dette. 


Augmentation de la dette d’Altice entre 2010-2014 (avant rachat Portugal Telecom et Suddenlink)


Capitalisation boursière d’Altice depuis 2 ans, cotée au NYSE Euronext Amsterdam

 
On remarque depuis 1 ans une effervescence autour d’Altice et de ses marques. En effet, le cours d’Altice a pris 145% et celui de Numericable-SFR a gagné 115%. Ils affichent donc des performances boursières bien supérieures à celles de leurs concurrents (+25% pour Orange et -2% pour Iliad). L’annonce de l’OPA sur Bouygues par SFR a fait bondir la capitalisation boursière d’Altice de 3.6 milliards d’euros et a provoqué une fulgurante montée des cours de bourse des opérateurs français (dont Orange) et des sociétés liées aux communications (Numericable-SFR a gagné 12,5%).

La notation Surperformance met en avant des atouts attrayants pour Altice qui possède de solides fondamentaux (taux de croissance et révisions haussières des bénéfices). Son principal défaut reste son PER de 73.9x qui la place largement au-dessus de la moyenne du secteur des opérateurs français à 29x en 2015. 



Patrick Drahi, futur Jean-Marie Messier ?

La situation actuelle rappelle celle de Jean-Marie Messier, ancien patron de Vivendi (son addiction aux acquisitions avait plombé Vivendi en 2001).
La frénésie des acquisitions de Patrick Drahi reste plus contrôlée, et chacune de ses dernières acquisitions s’est soldée par plus ou moins un succès. Il parvient à maîtriser les coûts et à augmenter les marges des entreprises rachetées, ce qui n’était pas du tout le cas de Vivendi qui était en pleine bulle technologique.
A titre informatif, Altice a procédé depuis le début de l’année au rachat de Portugal Telecom (pour 7,4 milliards d’euros) et de Suddenlink Communications, 7ème câblo-opérateur américain (70% des parts pour 9,1 milliards de dollars). En mai, Patrick Drahi était encore en discussion avec plusieurs banques pour acheter le deuxième câblo-opérateur américain « Time Warner Cable », estimé à plus de 40 milliards de dollars.

L’offre de rachat vient d’être repoussée par le conseil d’administration de Bouygues, avec comme arguments principaux le manque de fonds propres, les atteintes à la concurrence et les entraves à l’innovation. Une autre raison peut être le fait que Bouygues attende de la part d’Altice une offre plus élevée. Cela ne va pas décourager Altice, qui peut autrement se tourner à nouveau vers l’international, où elle est déjà fortement présente.