Rémunération de l’actionnaire, les dividendes sont juridiquement qualifiés de « fruits civils » et  reviennent à ce titre à l’usufruitier de titres sociaux. Il en va différemment des bénéfices d’une société : ne constituant pas des fruits mais un accroissement de l’actif, ils reviennent au seul nu-propriétaire. Ce n’est que lorsque la décision est prise de distribuer ces bénéfices en dividendes que l’usufruitier acquiert le droit d’en jouir. Ainsi, les réserves, qui sont constituées par les bénéfices non distribués, n’entrent pas dans le droit de jouissance de l’usufruitier.


On comprend donc que les dividendes versés aux actionnaires et prélevés sur les réserves puissent poser une difficulté : en tant que rémunération versée à l’actionnaire, ils devraient revenir à l’usufruitier, mais dans la mesure où cette rémunération est prélevée sur les réserves, seul le nu-propriétaire devrait en bénéficier.

 
Après avoir longtemps été l’objet de débats juridiques, le sort de ces dividendes prélevés sur les réserves a été fixé par la jurisprudence. La Première chambre civile de Cour de cassation a confirmé au début de l’été la solution adoptée un an plus tôt par la chambre commerciale : les dividendes prélevés sur les réserves relèvent du régime du quasi-usufruit de l’article 587 du Code civil.


Ce régime est simple : lorsque l’usufruit s’exerce sur des biens qui se consomment par l’usage (appelés « choses consomptibles » en droit), tels que des denrées alimentaires, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à charge pour lui de rendre, à l’extinction de l’usufruit, une chose équivalente ou sa valeur. L’usufruitier peut ainsi profiter de la chose, sans toutefois affecter le droit de propriété du nu-propriétaire.



Désormais, l’usufruitier pourra donc jouir de l’ensemble des dividendes, qu’ils soient prélevés sur les bénéfices de l’année ou sur les réserves de la société, mais à charge pour lui de restituer les derniers à l’extinction de l’usufruit. L’usufruit prenant le plus souvent fin du fait du décès de l’usufruitier, c’est donc sur ses héritiers que pèsera cette responsabilité. La Cour de cassation réserve toutefois la possibilité pour l’usufruitier et le nu-propriétaire de décider d’une solution différente.