Bruxelles (awp/afp) - La Commission européenne doit proposer mercredi d'infliger d'éventuelles amendes à Madrid et Lisbonne à cause de leur dérapage budgétaire, des sanctions qui seraient une première dans une Europe ébranlée par le Brexit.

Théoriquement, elles pourraient atteindre au maximum 0,2% du Produit Intérieur Brut (PIB) de chacun de ces deux pays. Tout porte cependant à croire qu'une certaine clémence sera de mise de la part des 28 commissaires de l'UE qui doivent trancher la question.

Il y a moins de quinze jours, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici -- chargé du dossier avec un des vice-présidents de la Commission, Valdis Dombrovkis -- avait plaidé pour des sanctions quasi-nulles.

"Je souhaite que nous soyons capables d'aller vers des sanctions zéro dès lors que l'Espagne et le Portugal nous donnent des bonnes garanties", avait intercédé l'ex-ministre français des Finances.

ORTHODOXIE BUDGÉTAIRE OU FLEXIBILITÉ?

L'exécutif européen est dans une situation délicate: d'un côté, il doit satisfaire les tenants de l'orthodoxie budgétaire, Allemagne et Pays-Bas en tête, et de l'autre, ne pas se mettre à dos les pays plaidant la flexibilité, représentés par l'Europe latine.

Selon le quotidien allemand Handelsblatt, citant mardi des diplomates européens, le Finlandais Jyrki Katainen, un vice-président de la Commission, et la Suédoise Cecilia Malmström, commissaire au Commerce, pencheraient pour une amende de 0,1% du PIB.

La décision du collège des 28 commissaires se fait par consensus. "Le collège a une autonomie de décision qui dépend toujours des recommandations des commissaires chargés des dossiers, il y a ensuite une discussion. Le rôle du président (de la Commission, Jean-Claude Juncker) est important", a déclaré le porte-parole de l'exécutif européen, Margaritis Schinas, lors d'un point presse mardi.

La proposition d'amendes de la Commission devra ensuite être entérinée par les ministres de la zone euro.

Le Portugal et l'Espagne risquent ainsi d'être les premiers pays de la zone euro à se voir infliger une amende à cause de leur dérapage budgétaire.

En 2015, le déficit public espagnol a atteint 5,1% du Produit Intérieur Brut, bien au-delà des clous du pacte de stabilité (3% du PIB) et des objectifs que lui avait fixé la Commission de 4,2%.

Quant au Portugal, il avait affiché un déficit public de 4,4% du PIB l'an passé alors que l'objectif fixé était de repasser sous les 3%.

'AUCUNE JUSTIFICATION'

Les deux pays ont plaidé chacun leur cause auprès de l'exécutif européen pour l'inciter à la clémence.

"Il est de bon sens (de penser) qu'il n'y aura pas d'amende pour l'Espagne", a affirmé dimanche le ministre espagnol de l'Economie, Luis de Guindos, faisant valoir que le pays affiche à la fois l'une des plus fortes croissances économiques de l'Union monétaire et un bon rythme de création d'emplois.

"Il n'y a aucune justification à l'application de sanctions pour un résultat qui n'a pas été atteint en 2015, alors que la Commission européenne reconnaît elle-même que nous atteindrons cette année l'objectif" d'un déficit inférieur à 3% du PIB, soutient le Premier ministre portugais Antonio Costa.

Outre ces amendes, la Commission européenne est dans l'obligation de proposer une suspension totale ou partielle des engagements des fonds structurels, qui peut aller jusqu'à 0,5% du PIB ou jusqu'à 50% des engagements pour 2017 dans ces deux pays.

Mais elle dispose de plus de temps pour prendre cette décision qui concerne douze fonds au Portugal et une soixantaine en Espagne.

Récemment, le vice-président de la Commission Jyrki Katainen a écrit au président du Parlement européen, Martin Schulz, l'invitant à un dialogue sur ce sujet.

"Pour déterminer l'étendue et le niveau des suspensions, la Commission va utiliser tous les critères disponibles définis dans la réglementation, y compris les facteurs socio-économiques affectant ces Etats membres", a expliqué le commissaire finlandais, responsable des fonds structurels, qui visent en particulier à réduire les écarts de développement en Europe en aidant les régions en difficulté.

En clair, M. Katainen laissait entendre que la Commission prendrait en considération la situation socio-économique de ces deux pays affectés notamment par des taux de chômage très supérieurs à la moyenne de la zone euro.

Dans une lettre adressée au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, datée de lundi, M. Schulz a invité l'exécutif européen à "un dialogue structuré" à ce sujet après les vacances parlementaires d'été.

afp/jh