par Elisabeth O'Leary et Andrés González

MADRID, 29 novembre (Reuters) - Le gouvernement conservateur espagnol a adopté vendredi un projet de loi durcissant les sanctions en cas de manifestation non autorisée, avec des amendes pouvant atteindre 600.000 euros.

Ce projet, dit Loi sur la sécurité des citoyens, est vivement dénoncé par les organisations de gauche et les défenseurs des droits de l'homme dans un pays sorti de la dictature il y a moins de 40 ans après la mort de Francisco Franco en 1975.

Frappée par la récession et le chômage depuis l'éclatement de la bulle immobilière à la fin des années 2000, l'Espagne a connu de nombreuses manifestations contre la politique d'austérité mise en oeuvre par les gouvernements de gauche puis de droite, sans quasiment jamais le moindre débordement.

Aux termes du projet de loi que va désormais examiner le parlement, une amende maximale de 600.000 euros serait réservée aux manifestations non autorisées dégénérant en violences à l'intérieur ou à l'extérieur des deux chambres du Parlement.

Parmi les autres dispositions du texte, les manifestants dissimulant leur visage risquent une amende de 30.000 euros. Il en va de même en cas de slogans "injurieux" prononcés contre l'Espagne ou les régions du pays et en cas de trouble à l'ordre public lié à la consommation d'alcool dans la rue.

"Nous voulons garantir une coexistence plus libre et paisible pour tous les Espagnols (...) en éradiquant la violence", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, à la presse.

Le gouvernement prépare un autre projet de loi sur les mouvements sociaux.

Pour les partis d'opposition, le texte adopté vendredi bafoue le droit de rassemblement et rogne la liberté d'expression.

"Le gouvernement sait que les citoyens vont continuer à manifester et ce qu'il veut, c'est instiller la peur et la paralysie", a dit le parlementaire socialiste Antonio Hernando.

Son homologue de la Gauche unie, Gaspar Llamazares, met en doute la constitutionnalité du texte. "Cette loi (...) vise à criminaliser l'action de manifester", a-t-il dit. "Le gouvernement essaie de faire de ses adversaires politiques des délinquants."

Même des éditorialistes conservateurs critiquent ce projet du Parti populaire au pouvoir. "Cette loi de sécurité (...) ajoutera le stigmate de l'autoritarisme à l'échec politique du PP", écrit José Antonio Zarzalejos sur le site internet El Confidencial. (Bertrand Boucey pour le service français)