(Actualisé avec réaction du Parti républicain § 11-12)

par Amanda Becker et Richard Cowan

WASHINGTON, 16 avril (Reuters) - Donald Trump a proféré dimanche une nouvelle bordée d'insultes à l'endroit de l'ancien directeur du FBI James Comey, qui dans une interview diffusée dans la soirée sur la chaîne de télévision ABC, a estimé que le président américain était "moralement inapte" à exercer ses fonctions.

L'ex-patron du FBI, que Trump a limogé en mai 2017, est revenu au centre de l'actualité politique américaine depuis la publication, la semaine passée, d'extraits de ses mémoires à paraître mardi.

Dans "A Higher Loyalty, Truth, Lies and Leadership" ("Mensonges et vérités: Une loyauté à toute épreuve" dans sa version française), il compare notamment le président américain à un chef de clan mafieux.

Dans une longue interview accordée à la chaîne ABC et diffusée dans son intégralité dimanche soir, l'ancien patron du FBI affirme que Trump est "moralement inapte" à exercer la fonction présidentielle et qu'il inflige des "dégâts considérables" aux normes institutionnelles américaines.

"MORALEMENT INAPTE"

"Je n'accorde aucun crédit à la thèse selon laquelle il serait mentalement incompétent ou aux premiers stade de la démence", dit-il, évoquant un homme "d'une intelligence supérieure à la moyenne".

"Je ne pense pas qu'il soit médicalement inapte à être président, je pense qu'il est moralement inapte à être président", insiste Comey.

"Une personne qui voit des équivalences morales à Charlottesville, qui parle des femmes et les traite comme si elles étaient un morceau de viande, qui ment constamment sur des sujets majeurs ou mineurs et affirme que le peuple américain le croit, cette personne-là n'est pas apte, sur des bases morales, à être président des Etats-Unis. Et ce n'est pas une déclaration politique", dit-il encore.

Avant même la diffusion de cette interview enregistrée, dont de premiers extraits avaient été portés à la connaissance du public, Trump avait pris les devants en se livrant à une nouvelle charge contre Comey sous la forme d'une volée de tweets.

"Le fuyant James Comey, un homme qui finit toujours mal et détraqué (il n'est pas intelligent!), restera comme LE PIRE directeur de l'histoire du FBI, de loin!", écrit-il ainsi dans l'un de ses cinq messages dominicaux visant directement l'ancien directeur du FBI.

Vendredi déjà, au lendemain de la publication des premiers extraits du livre, il s'en était violemment pris à lui, le qualifiant d'"ordure" et de "menteur".

Le compte Twitter du président est resté inerte pendant la diffusion de l'interview, mais la présidente du Comité national du Parti républicain a déclaré que la prestation de l'ancien patron du FBI montrait une fois de plus que Comey n'est "loyal qu'à lui-même".

"Il n'a aucune crédibilité et le président Trump a eu raison de donner suite aux appels bipartisans réclamant sa démission", a-t-elle ajouté dans un communiqué.

L'ex-patron du FBI a reçu en revanche le soutien de l'actuel président républicain de la Chambre des représentants Paul Ryan, qui a annoncé la semaine passée qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat lors des élections de mi-mandat, en novembre.

Prié de dire sur NBC si Comey était à son avis un homme intègre, Ryan a répondu: "Pour autant que je sache", tout en précisant qu'il ne le connaissait pas bien.

"TROIS PRÉSIDENTS FIGURENT DANS MON LIVRE:

DEUX ILLUSTRENT LES VALEURS (...), UN SERT DE CONTREPOINT"

Trump a limogé Comey le 9 mai 2017, en pleine enquête du Federal Bureau of Investigation sur une éventuelle ingérence de la Russie dans la campagne pour l'élection présidentielle américaine de novembre 2016 et sur une possible collusion entre Moscou et des membres de son équipe de campagne.

Dans les bonnes feuilles publiées la semaine passée, Comey, qui fut dans sa carrière procureur fédéral à New York, observe que la fréquentation du 45e président lui a rappelé ses enquêtes contre le crime organisé et la pègre.

"Le cercle silencieux de l'assentiment. Le boss en contrôle total. Les serments de loyauté. Cette vision d'un monde du 'nous contre eux'. Les mensonges sur tous les sujets, grands ou petits, au service d'une sorte de code de loyauté qui place l'organisation au-dessus de la morale et au-dessus de la vérité", écrit-il notamment.

Il affirme aussi, comme il l'avait déjà indiqué dans sa déposition devant la commission sénatoriale du Renseignement en juin 2017, que Trump, lors d'une réunion privée, avait fait pression sur lui et lui avait demandé d'être loyal.

Sur ABC News, Comey a expliqué que le titre de son livre lui avait été inspirée par une "conversation bizarre" qu'il a eue avec Trump à la Maison blanche en janvier 2017, quelques jours après l'investiture du 45e président des Etats-Unis.

"Il a demandé ma loyauté personnelle, en tant que directeur du FBI. Ma loyauté est supposée aller au peuple et aux institutions américaines", a-t-il poursuivi.

Là encore, Trump avait pris les devants sur son compte Twitter: "Je n'ai jamais demandé à Comey sa loyauté au plan personnel. Je connaissais à peine ce type. Encore un autre de ses nombreux mensonges. Il écrit dans son propre intérêt et ses écrits sont BIDONS !"

Dans un tweet publié quelques heures avant la diffusion de l'interview, Comey a déclaré: "Mon livre porte sur la pratique éthique du pouvoir. Trois présidents figurent dans mon livre: deux contribuent à illustrer les valeurs qui sont au coeur d'une pratique éthique du pouvoir, un sert de contrepoint", ajoute Comey, numéro deux du département de la Justice sous George W. Bush et nommé à la tête du FBI par Barack Obama.

(Danielle Rouquié et Henri-Pierre André pour le service français)