(Actualisé, précisions, réactions)

par Mohammed Ghobari et Mohamed Mokashef

ADEN, Yémen, 14 juin (Reuters) - Les avions et les navires de guerre de la coalition sunnite ont pilonné jeudi pour la deuxième journée consécutive les positions des miliciens houthis à Hodeïda, le principal port du Yémen toujours aux mains des rebelles chiites.

Cette attaque, la plus importante par les effectifs et les moyens jamais lancée depuis le début de la guerre, inquiète les Nations unies et les organisations humanitaires qui redoutent un désastre pour la population civile. Selon l'Onu, 22 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire et plus de huit millions sont au bord de la famine.

Des hélicoptères d'attaque Apache ont bombardé une bande côtière près du port d'Hodeïda, ont dit à Reuters deux habitants.

"Les gens ont peur. Les navires sont effrayants et les avions nous survolent en permanence", a témoigné Amina, une étudiante de 22 ans qui vit près du port. "Les habitants fuient la ville pour se réfugier à la campagne, mais pour ceux qui n'ont pas de parents ou d'argent, il n'y a aucune issue", a-t-elle dit par téléphone à Reuters.

Quelque 600.000 personnes vivent à Hodeïda et dans ses environs. Les quatre cinquièmes des biens de première nécessité importés au Yémen transitent par son port.

A Genève, l'ambassadeur des Emirates arabes unis auprès de l'Onu a déclaré que les forces de la coalition ne se trouvaient plus qu'à deux kilomètres de l'aéroport.

Les forces yéménites, soutenues par la coalition sunnite, ont pris le contrôle de la ville d'Al Durayhmi, au sud d'Hodeïda, a annoncé une faction armée dans un communiqué.

AIDE HUMANITAIRE

Selon des habitants et des représentants de l'armée yéménite opposés aux Houthis, la coalition a aussi frappé la route qui relie Hodeïda à la capitale Sanaa, principale voie d'approvisionnement des rebelles, pour les priver de renforts.

Les Houthis, miliciens chiites soutenus par l'Iran, contrôlent une grande partie du Yémen, dont la capitale Sanaa. Une coalition de pays arabes menée par l'Arabie saoudite est entrée en guerre en 2015 pour ramener au pouvoir le président yéménite Abd-Rabbou Mansour Hadi.

Abd-Rabbou Mansour Hadi, qui vit en exil en Arabie saoudite, s'est rendu jeudi à Aden, où le gouvernement yéménite a établi sa capitale en 2015, pour la première fois depuis plus d'un an.

Les défenses antiaériennes saoudiennes ont intercepté un missile au-dessus de la ville de Khamis Mushait, au sud du Yémen, a annoncé la chaîne de télévision saoudienne Al Arabia.

Le missile a atteint sa cible, une base aérienne, a annoncé pour sa part la chaîne de télévision des Houthis, Al Masirah.

En dépit des combats, les Nations unies continuent de fournir de l'aide humanitaire.

Des plans sont prévus pour empêcher que les combats n'empirent la crise humanitaire, ont déclaré des diplomates arabes, précisant que la coalition pourra accroître la livraison d'aide humanitaire une fois que le port d'Hodeïda sera sous son contrôle.

L'ambassadeur des Emirats arabes unis en Allemagne a dit à Reuters que 60.000 tonnes d'aide humanitaire étaient prêtes à être livrées dans la région une fois les combats calmés.

Il faudra environ 72 heures aux forces arabes pour déminer le port et l'aéroport d'Hodeïda une fois qu'elles s'en seront emparées, a ajouté Ali al Ahmed.

"PROFONDE INQUIÉTUDE"

Le Conseil de sécurité de l'Onu, qui s'est réuni jeudi à huis clos pendant deux heures pour discuter de cette attaque, a appelé "toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit humanitaire international", a annoncé l'ambassadeur russe auprès des Nations unies.

Vassily Nebenzia, qui préside le Conseil de l'Onu au mois de juin, a souligné "la profonde inquiétude" des 15 membres quant aux risques pour la situation humanitaire. Ils ont réitéré leur appel pour que les ports d'Hodeïda et de Salif restent ouverts.

Mohamed Ali al Houthi, chef de la milice chiite, a accusé les Occidentaux d'être responsables de cet assaut mené par les armées des pays du Golfe.

"Les Britanniques nous ont dit il y a une semaine que les Emiratis et les Saoudiens leur avaient dit qu'ils n'engageraient pas la bataille d'Hodeïda sans leur accord et leur aide", a-t-il dit.

Un communiqué publié par les Houthis demande aux navires commerciaux empruntant la mer Rouge de se tenir à plus d'une trentaine de kilomètres des navires de la coalition sous peine de risquer d'être attaqués.

"Nous ne resterons pas les bras croisés face à l'assaut étranger le plus dangereux qui menace des millions de Yéménites", est-il écrit.

L'opération "Golden Victory" a été lancée après un ultimatum des Emirats arabes unis, l'une des deux grandes puissances de la coalition. Une source militaire a précisé que 21.000 hommes avaient été mobilisés pour cette attaque, notamment des soldats soudanais et émiratis.

Abou Dhabi avait appelé les Houthis à se retirer au plus tard mardi du port d'Hodeïda, dans le cadre de discussions menées sous l'égide de l'Onu. (avec Andrea Shalal à Berlin, Tom Miles à Genève et Sarah Dadouch à Ryad, Jean-Stéphane Brosse et Jean Terzian pour le service français)