PARIS, 23 avril (Reuters) - Le projet de loi "pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie" a été adopté en première lecture dimanche par les députés.

Le gouvernement et la majorité assurent que le texte qui entend accélérer les délais de la demande d'asile permettra de mieux accueillir les réfugiés mais les associations dénoncent une politique du chiffre opérée au détriment des droits des étrangers.

La France a reçu en 2017 plus de 100.000 demandes d'asile (contre 186.644 en Allemagne) et accordé sa protection à 43.000 personnes au titre du statut de réfugié et de la protection subsidiaire, selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Sur la même période, 14.859 étrangers en situation irrégulière ont fait l'objet d'une expulsion forcée, en hausse de 14,6 % par rapport 2016, et 85.408 étrangers ont été repoussés aux frontières françaises dans le cadre du rétablissement des contrôles en vigueur depuis 2015, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

Voici les principales dispositions du projet de loi.

RÉDUCTION DES DÉLAIS DE LA DEMANDE D'ASILE

A compter de leur entrée sur le territoire, les étrangers arrivant en France disposeront de 90 jours pour déposer une demande d'asile, contre 120 précédemment. Passé ce délai, leur demande pourra faire l'objet d'une procédure accélérée, généralement moins favorable.

Le gouvernement entend réduire à six mois (contre 14 actuellement) le délai moyen d'instruction des demandes recours compris, par les préfectures et l'Ofpra.

Les demandeurs d'asile disposeront de quinze jours, au lieu d'un mois auparavant, pour faire appel des décisions de l'Ofpra sur l'octroi du statut de réfugié, auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Pour les personnes originaires de pays dit "sûrs", faire appel de la décision d'asile ne permet plus de suspendre une décision d'expulsion.

Les pays pénalisant l'homosexualité ont été exclus de cette liste.

ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE RÉTENTION

La période maximale de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière est portée de 45 à 90 jours, dans les cas où la personne fait obstacle à son expulsion.

L'association d'aide aux migrants, la Cimade, dénonce une mesure "inefficace et totalement disproportionné" et dément toute incidence de la durée de rétention sur le nombre d'expulsions, qui dépendent selon elle bien plutôt de la délivrance de laissez-passer consulaires par les pays d'origine.

LA RETENUE ADMINISTRATIVE PORTÉE À UN JOUR

Sur la durée de la "retenue administrative", les étrangers interpellés lors d'un contrôle d'identité ou de titre de séjour pourront désormais être retenus jusqu'à 24h dans un local de police ou de gendarmerie pour procéder à ces contrôles, contre 16h auparavant.

Les associations dénoncent une forme de garde à vue dédiée aux personnes étrangères.

ALLONGEMENT DES DÉLAIS DE DÉCISION DU JUGE DES LIBERTÉS

Le juge des libertés et de la détention disposera désormais de 48 heures voire 72 heures "lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent", contre 24 auparavant, pour décider de la légalité du placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière.

Les associations estiment qu'une intervention tardive du juge peut conduire à une augmentation des expulsions sans audience préalable devant un juge.

RÉTABLISSEMENT D'UN DÉLIT DE FRANCHISSEMENT DES FRONTIÈRES

Le délit de franchissement non autorisé des frontières extérieures de l'espace Schenghen est rétabli, et sanctionné d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3.750 euros.

L'étranger qui aura franchi une frontière extérieure "terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà" est ainsi sanctionné, note l'article 10B du projet de loi.

La France a rétabli depuis novembre 2015 et prolongé jusqu'au mois d'octobre prochain les contrôles à ses frontières à l'intérieur de l'espace Schenghen.

SANCTIONNER L'USAGE DE TITRES FRAUDULEUX POUR TRAVAILLER

Le projet de loi rend passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende "l'usage frauduleux des titres de séjour qui permettent, accompagnés d'un passeport étranger, d'entrer sur le territoire sans disposer d'un visa, de s'y maintenir et, dans la plupart des cas, d'y travailler", quand la loi actuelle ne faisait pas de référence explicite au travail.

La CGT estime que cette disposition stigmatise encore davantage les travailleurs sans papiers "victimes du travail illégal".

UN ACCÈS MOINS TARDIF À L'EMPLOI

Le texte reprend une proposition du rapport parlementaire du député Aurélien Taché sur l'intégration, qui prônait d'accélérer l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile, et leur permet désormais de travailler dès six mois après leur entrée sur le territoire contre neuf auparavant.

REPRISE D'ÉLÉMENTS DE LA CIRCULAIRE COLLOMB

Le projet de loi prévoit des échanges d'informations entre l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et les services d'hébergement d'urgence, concernant les demandeurs d'asile et les réfugiés.

Il envisage en outre de répartir les demandeurs dans les régions françaises en conditionnant le versement de leur allocation à la résidence dans la région définie.

DÉVELOPPEMENT DE L'ASSIGNATION À RÉSIDENCE

Pendant le délai accordé aux déboutés faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire, le recours à l'assignation à résidence est désormais possible, pour réduire le risque de fuite.

Le projet de loi étend en outre la possibilité de désigner une plage horaire où l'étranger est contraint de rester à son domicile.

PROTECTION DES RÉFUGIÉS MINEURS, DES APATRIDES ET DES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE

Les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire bénéficieront d'un titre de séjour de quatre ans dès leur première admission au séjour, contre un an aujourd'hui.

Les réfugiés mineurs voient les procédures de réunification familiale facilitées et étendues à leurs frères et soeurs.

Pour les jeunes filles exposées à un risque d'excision, la transmission des documents du dossier est accélérée.

(Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)