Rome (awp/ats) - La Cour constitutionnelle italienne s'est penchée mardi sur les procédures judiciaires contre l'industriel Stephan Schmidheiny concernant les morts de l'amiante. Elle doit décider si un deuxième procès contre l'homme d'affaires suisse est conforme à la Constitution.

Les procédures concernent des décès liés à l'amiante dans les régions transalpines qui abritaient des usines de la société Eternit S.p.a Gênes. Le groupe suisse Eternit - dirigé depuis 1976 par M. Schmidheiny - était le plus gros actionnaire, puis l'actionnaire principal de cette société, de 1973 jusqu'à sa faillite en 1986.

Mis en cause par le parquet de Turin, le milliardaire suisse a déjà eu maille à partir avec la justice italienne. En juin 2013, il avait été condamné en appel à 18 ans de prison pour avoir provoqué volontairement une catastrophe environnementale. La Cour de cassation l'a acquitté en novembre 2014, jugeant les faits prescrits.

Le parquet de Turin et certains des plaignants exigent aujourd'hui un nouveau procès. Dans l'affaire "Eternit bis", Stephan Schmidheiny est accusé d'homicide volontaire et aggravé pour 258 décès suspects liés à l'amiante.

En juillet dernier, la juge turinoise en charge de l'affaire a saisi la Cour constitutionnelle. Elle veut savoir si cette procédure porte sur les mêmes faits que ceux du premier procès qui s'est clos fin 2014. Ce scénario violerait l'interdiction de la double incrimination ("ne bis in idem"), un principe classique de la procédure pénale selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour les mêmes faits.

Au coeur du débat: la question de savoir si l'interdiction de la double incrimination se réfère à des faits déjà établis, ou si on considère qu'il y a de nouveaux chefs d'accusation. Sur ce point, l'application du droit en Italie diffère du reste de l'Europe.

Durant les audiences préliminaires à Turin, la défense a souligné que dans le premier procès Eternit, tous les éléments pertinents ont déjà été étudiés, a déclaré à l'ats la porte-parole de M. Schmidheiny, Lisa Meyerhans. L'accusation estime pour sa part qu'un deuxième procès ne violerait ni la Constitution italienne, ni la Convention européenne des droits de l'homme.

NI CONDAMNÉ NI ACQUITTÉ

Au contraire, en cas d'arrêt de la procédure, l'Italie violerait le principe d'obligation de la loi pénale et risquerait de se faire condamner à Strasbourg pour refus de protéger les victimes, a déclaré mardi l'avocate des victimes, Laura D'Amico, citée par l'agence de presse Ansa.

Selon elle, Stephan Schmidheiny ne peut prétendre être jugé deux fois pour les mêmes faits. Il n'a en effet ni été condamné ni acquitté, mais a bénéficié en cassation de la prescription, a-t-elle fait valoir.

Les avocats de l'homme d'affaires ont de leur côté demandé à la Cour constitutionnelle de renvoyer la question devant la justice européenne pour souligner l'"incompatibilité" entre les normes italiennes et celles de l'UE ou de reconnaître l'inconstitutionnalité d'un second procès.

Si la Cour constitutionnelle décide que l'interdiction de la double incrimination porte sur des faits établis, elle fermerait définitivement la voie à un deuxième procès.

Les juges romains peuvent toutefois également renvoyer le dossier à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ou refuser de s'en saisir. Dans ce cas, ce serait au tribunal de Turin de décider si Stephan Schmidheiny devra affronter un nouveau procès. On ignore quand la Cour rendra sa décision.

ats/al