Pourquoi un Quantitative easing ?

La macroéconomie mondiale se dégrade rapidement principalement en raison de la crise de la dette en zone euro qui pénalise à la fois les économies développées (Etats-Unis, Japon...) et les pays émergents (Brésil, Chine, Inde…). Ainsi, aux Etats-Unis, pays moteur de la croissance mondiale, le chômage reste à des niveaux très élevés depuis 2008 et les créations d’emplois sont globalement faibles. Ceci va à l'encontre de la politique de la Réserve fédérale qui a pour but de maintenir une croissance forte pour obtenir le plein emploi et donc le bonheur des citoyens américains comme l'a rappelé Ben Bernanke.

A ce contexte incertain s’ajoute une échéance cruciale (à la fin de l'année) pour la politique budgétaire américaine, qui pourrait déboucher sur un resserrement de la politique fiscale à hauteur de 5% du PIB sans accord entre Républicains et Démocrates. Cette « falaise fiscale » pourrait inhiber la faible reprise de l’économie américaine.

Ainsi, lors du rendez vous des banquiers centraux le 31 août pour Jackson Hole ou lors du meeting mensuel du 12 et 13 septembre, Ben Bernanke pourrait annoncer le tant attendu Quantitative Easing 3, notamment pour soutenir le secteur immobilier. La probabilité de cet évènement est d’environ 50% d'après le consensus des analystes.

Le patron de la Banque Fédérale de Réserve de Boston s’est dit favorable à ce programme de rachats d’actifs. Le 11 août, le Président de la Réserve de San Francisco, John William, a déclaré que la Fed devait lancer un programme de rachat de titres pour faire reculer le chômage. 
 

Historique

Depuis la crise financière de 2007, deux quantitative easing (QE) ont été mis en place.

Le premier a été annoncé le 18 mars 2009. A cette date, la question qui se posait était la suivante : comment soutenir davantage l’économie quand les taux directeurs sont proches de zéro ? En effet, le Federal Funds Rate (taux d’intérêt interbancaire de base)  est passé de 5% en 2007 à 0% début 2009, pour éviter un risque systémique après la mise sous tutelle de Fannie Mae et Freddie Mac (institutions qui garantissent des prêts hypothécaires), les difficultés de l’assureur AIG, puis le rachat de Merill Lynch par Bank of America et le sauvetage de Bear Stearns par JP Morgan.

Ainsi, le QE1 a permis le rachat de 300 milliards de dettes GSE (parapublique), 300 milliards de dette publique et 750 milliards de dollar Mortgage Backed Securities (titres obligataires formés de créances immobilières titrisées).

Le QE2 a été mis en place en novembre 2010, la FED jugeant la reprise économique trop faible et le rythme des créations d’emplois pas assez rapide. Ainsi, 600 milliards de dette publique ont été rachetées par l’institution et les titres arrivant à échéance repris.

En septembre 2011, elle a de nouveau racheté des bonds du trésor américain pour 600 milliards de dollars mais l’argent provenait cette fois-ci de l’arrivée à échéance d’emprunts d’Etat ou encore de titres de type MBS. Le bilan de la banque centrale n’augmentait donc pas.
 

Objectif du QE

Quand les taux courts sont à 0%, la politique monétaire traditionnelle devient inefficace pour soutenir davantage l’économie. D’autres moyens doivent donc être utilisés, parmi ceux-ci, le quantitative easing, pour booster l’offre de monnaie et garantir des taux court à des niveaux proches de zéro pendant une grande période.

La politique de la Réserve Fédérale est dite quantitativiste lorsque son bilan augmente, c’est-à-dire qu’elle achète plus de titres qu’elle en revend. Ceci est rendu possible par la création de monnaie par la banque centrale qui est ensuite prêtée aux banques.

L’injection de liquidité rend les banques moins averses au risque car elles n’ont plus de problème pour se refinancer. L’objectif final est le réinvestissement de ces liquidités dans les actifs risqués.

 
Impact sur les marchés

Lorsque la Fed intervient par l’intermédiaire d’un quantitative easing, c’est qu’il y a des inquiétudes concernant la reprise économique, un fort taux de chômage, ou un risque de rechute de la croissance et une volonté d’apaiser les craintes des investisseurs.

Comme le montre le graphique ci-dessous, la politique quantitativisme de la Fed entraine une hausse des marchés actions (ici le S&P 500, indice de référence aux Etats-Unis).




Comme autre fait marquant, on peut noter la hausse généralisée des actifs libellés en dollar, notamment les matières premières comme le pétrole. Le cours de l’or, très lié aux risques inflationnistes, s’apprécie également. (Voir or : la variable taux)

Le graphique ci dessous illustre la hausse de l'indice CRB (indice des matières premières)




Sur le marché des devises, l’augmentation de la masse monétaire en circulation dilue la valeur dollar et la baisse des rendements sur les titres de dette à long terme entraîne une baisse du dollar contre ses paires ; les investisseurs se réfugiant sur des actifs plus rentables. Ceci relance la guerre des changes notamment contre le Japon et l’Europe (Yen et Euro).


Impact sur l’économie

L’afflux de demande créé par la Réserve fédérale sur les Bonds américains de longue échéance crée une détente des taux d’intérêt sur le marché obligataire. Ainsi, le gouvernement peut mettre en place des politiques de relance budgétaire à moindre coût. Les effets de la politique monétaire et budgétaire se cumulent.

Aux Etats-Unis, les entreprises se financent beaucoup par la finance directe (sur les marchés financiers). La baisse des taux de refinancement a donc un impact plus important sur ces dernières. Une politique monétaire très accommodante menée par la Fed incite les entreprises à investir et à produire davantage. Mais-est ce que la demande finale augmente réellement ?

Les américains, et majoritairement la classe moyenne supérieure, possèdent souvent une grande partie de leur patrimoine dans des actions (retraites gérées par des fonds de pension par exemple). La hausse des marchés financiers entraîne donc un effet de richesse et stimule la consommation, notamment celle de biens immobiliers, relançant ainsi ce secteur.

Concernant le marché de l’emploi, on constate une amélioration du nombre d’embauches pendant quelques mois, mais ces dernières ne sont pas suffisantes pour faire reculer significativement le taux de chômage.  

Ci-dessous, le nombre de créations ou de destructions d’emplois non agricoles aux Etats-Unis et le taux de chômage depuis août 2008. En rouge, les dates des QE1 et QE2.





 

Conclusion

La hausse des marchés actions est donc en grande partie artificielle suite à la mise en place d’un quantitative easing. Cette hausse relance le moral des consommateurs et donc la consommation (2/3 du PIB américain) à court terme.

Les fondamentaux de l’économie réelle ne s’améliorent pas franchement, les entreprises étant réticentes à embaucher ou produire davantage par manque de visibilité à moyen-long terme. Le QE favorise plus l’endettement de l’Etat et le retour des investisseurs sur les actifs à risques.