A l'heure de commenter l'actualité économique américaine, les observateurs européens se concentrent aujourd'hui clairement sur les tant attendues mesures fiscales de Donald Trump, et dans une moindre mesure sur la saison des résultats d'entreprise qui bat son plein, commente François Jubin, président de WiseAM. Un évènement peut cependant en cacher un autre… Outre-Atlantique, le débat fait actuellement rage sur le nom du prochain président de la Fédéral Reserve.

Une différence culturelle notable quand on sait que peu d'européens connaissent ne serait-ce que le nom de Mario Draghi...

Cause ou effet, les journalistes généralistes du vieux continent se risquent il est vrai, bien moins souvent à une analyse, même succincte, de la politique monétaire européenne, souligne François Jubin.

Si l'échéance du mandat de Janet Yellen n'est prévue que pour février 2018, on prête au président américain l'intention d'annoncer son successeur début novembre. On murmure dans les milieux autorisés que la " short list " de Donald Trump se serait même réduite au binôme Powell-Taylor. Il n'aura cependant échappé à personne que les revirements à 180° du décideur ont été légion dans un passé récent…

" Candidat Trump " tirait à boulets rouges sur Janet Yellen et sa politique monétaire de taux bas ? " Président Trump " semble privilégier avant tout un affaiblissement du dollar (vision qui va de pair avec des taux bas) … Au point qu'un prolongement du mandat de Yellen fut un temps envisagé. Si tant est que la liste des successeurs potentiels soit juste, quelle sera la vision monétaire du prochain " chairman " ? Les deux favoris des pronostics ne partagent à l'évidence pas totalement la même approche…

Le support affirmé de l'ancien banquier d'affaire Mr Powell à la politique de Yellen et son approche -très- graduelle de la remontée des taux laisse peu de place aux doutes : ce candidat est clairement à ranger dans la case des " dovishs ".

Observateurs et bookmakers en font tous le favori de la course à la présidence. Jérôme Powell dispose en effet de toutes les qualités nécessaires à l'appui des marchés… et du congrès qui doit valider le choix de Donald Trump. En plus d'être républicain, Mr Powell est de la veine des partisans de la déréglementation chère à Donald Trump. Sa nomination ne menacerait probablement pas l'assouplissement des stress tests et de la règle Volcker.

Gouverneur de la banque centrale US depuis 5 ans, Mr Powell dispose de l'expérience nécessaire pour poursuivre la politique monétaire mise en place ces dernières années : il a voté favorablement toutes les décisions du comité de la Fed depuis 2012 !

Professeur à Stanford University, John Taylor est reconnu outre-Atlantique pour la règle qui porte son nom. L'application stricte de la formule mathématique de la règle Taylor basée sur les chiffres de l'inflation et de croissance économique suggérerait une remontée des taux directeurs de 1%... à 4% !

Taylor le président déjugerait-il Taylor le théoricien ? Rien n'est moins sûr… L'orientation de la bourse est clairement une affaire de psychologie… et tout est actuellement rose au royaume de la finance américaine. Il n'en fallait donc pas moins pour que certains analystes tablent sur le fait que la politique fiscale de Trump centrée sur l'offre génère un important gap de croissance sans générer d'inflation… ce qui amènerait alors Taylor à ne pas se montrer plus faucon que de raison. Ne nous mentons pas, le choix de ce candidat n'est pas celui qui satisferait le plus les opérateurs de marchés, estime François Jubin.

Quoiqu'il en soit, le suspens touche à sa fin tant l'annonce semble imminente (on parle désormais du jeudi 2 novembre). Une fois encore, la différence des deux profils corrobore le fait que l'esprit du président américain n'est pas le plus aisé à décortiquer.

Elément supplémentaire, selon les médias américains il est très probable que le candidat déchu récupère en lot de consolation le siège de vice-président, établissant ainsi un équilibre des points de vue au sommet de la Fed. Alors que la bourse américaine vole de record en record sur fonds de réformes fiscales (le Dow Jones n'a d'ailleurs plus subi une perte supérieure à 1% pendant 51 séances pour la première fois depuis 1930), la thématique reste à suivre et pourrait redevenir un " market mover ", surtout en cas de surprise.

Le choix de Donald Trump donnera en tout état de cause de la visibilité sur un sujet crucial pour l'orientation du marché. A suivre…