par Osman Orsal

KOBANI, Syrie, 29 janvier (Reuters) - Des draps sont encore tendus au-dessus de certaines rues de Kobani. Pendant plus de trois mois, ils ont permis aux combattants kurdes et aux habitants restés sur place d'échapper à la surveillance des tireurs d'élite de l'Etat islamique entrés début octobre dans cette ville syrienne adossée à la frontière turque.

Partout, après des mois de bombardements, des immeubles ravagés, des rues défoncées par les obus.

Les miliciens kurdes aidés par les peshmergas, leurs frères venus d'Irak, et les raids aériens de la coalition internationale, ont annoncé lundi avoir libéré la ville, devenue un symbole de la résistance aux djihadistes de l'EI.

Des combats se poursuivent cependant autour des villages au sud-est et au sud-ouest de Kobani, à quelques kilomètres du centre-ville.

Sur de nombreux bâtiments, le drapeau kurde a remplacé la bannière noire des islamistes.

Plus de 200.000 habitants de Kobani ont fui depuis le début de l'offensive de l'EI en septembre dernier et se sont réfugiés en Turquie voisine.

Ils ont accueilli avec enthousiasme l'annonce de la libération de leur ville. Dans le froid et la précarité des camps turcs où ils ont été accueillis, beaucoup rêvent de retourner chez eux et de reprendre une vie normale.

Mais que retrouveront-ils ? Des ruines, des gravats, des rues coupées de cratères de plusieurs mètres de profondeur et jonchées d'épaves de voiture.

Des patrouilles de miliciens kurdes à moto surveillent une ville quasi déserte. La population n'ose guère sortir des maisons encore debout et des abris, de crainte notamment des obus non explosés.

"Revenir à Kobani sera encore plus difficile que d'en être parti", reconnaît un milicien des Unités de protection du peuple kurde (YPG).

"Il faut tout reconstruire ici, il n'y a plus rien", ajoute-t-il, montrant tout près une pile de gravats haute comme une maison d'un étage.

D'autres miliciens font avec les doigts le "V" de la victoire en apercevant les journalistes escortés à travers la ville. Mais derrière la fierté d'avoir chassé les djihadistes, les hommes restent soucieux.

"Des obus de mortier continuent de tomber ici de temps en temps. Ne vous promenez pas trop dans le coin, c'est dangereux", lance l'un d'eux.

Selon le journal turc Radikal, un obus est tombé jeudi sur la ville, tout près de la frontière, blessant quatre civils.

La victoire de Kobani a laissé plutôt perplexe le président turc Recep Tayyip Erdogan, inquiet de voir les Kurdes, très nombreux dans le sud-est de son pays, gagner de l'influence.

"L'Etat islamique a été chassé de Kobani, bien... Mais qui va réparer tous ces endroits que vous avez bombardés ? Les 200.000 réfugiés de la ville seront-ils en mesure de retourner chez eux ? Et s'ils rentrent, où vivront-ils ?", s'est-il demandé. (Guy Kerivel pour le service français)