par Laurence Frost

MOSCOU, 27 août (Reuters) - Alors que Moscou envisage des aides publiques à l'achat de voitures et que la baisse du rouble pénalise ses concurrents, Renault, le grand constructeur automobile le plus impliqué en Russie, pourrait tirer avantage de la crise actuelle du marché automobile russe.

Le groupe français, son allié japonais Nissan et leur filiale commune russe AvtoVAZ ont présenté de nouveaux modèles au salon automobile de Moscou cette semaine sur fond de tension entre la Russie et l'Occident à propos du conflit en Ukraine.

S'il n'exclut pas de réduire la production locale en cas de persistance de la crise, qui fait déjà chuter les ventes de voitures, Bruno Ancelin, directeur général de Renault Russie, n'a pas l'intention de remettre en cause ou de ralentir le développement de nouveaux véhicules.

"C'est maintenant qu'il ne faut pas prendre de mauvaises décisions. Il faut investir justement quand le marché est en déconfiture", explique-t-il en rappelant que la décision initiale d'investir en Russie pendant la précédente crise, en 2009, s'est révélée judicieuse, le marché russe ayant été l'un des plus rentables du groupe au cours des années suivantes.

Le marché automobile russe a chuté de 10% depuis le début de cette année et ses perspectives se sont encore dégradées le mois dernier avec l'adoption de nouvelles sanctions occidentales contre les secteurs pétrolier et bancaire russes.

Le cabinet d'études spécialisé LMC Automotive a abaissé ses prévisions pour le marché russe en conséquence et prévoit désormais une chute de 15,8% des ventes sur l'ensemble de cette année, contre -10,5% auparavant.

La situation en Russie, troisième débouché de Renault, pèse sur le cours de Renault, qui a perdu 10,7% depuis la publication de ses résultats semestriels le 29 juillet.

LOCALISATION ET PATRIOTISME

Mais Renault et Lada, la marque phare d'AvtoVAZ, peuvent espérer bénéficier de la proportion relativement élevée de composants achetés en Russie et payés en roubles dans leur fabrication, alors que nombre de leurs concurrents souffrent de l'envolée des prix à l'importation.

Le rouble a perdu environ 10% de sa valeur face au dollar américain depuis le 1er janvier.

"Il ne fait aucun doute que Renault-Nissan a fait du bon boulot en prenant de l'avance sur la majeure partie des acteurs étrangers du secteur en matière de localisation", reconnaît Ted Cannis, directeur général de Ford Sollers, la coentreprise russe du groupe américain. "Mais nous réduirons l'écart plus vite qu'ils ne l'imaginent."

En 2013, les Ford Focus produites en Russie ne comptaient que 30% de composants payés en roubles, contre 75% pour la Logan et la Sandero (vendues sous la marque Dacia en Europe occidentale mais siglées Renault en Russie), 66% pour la Duster et 62% pour la Lada Largus.

Cette proportion est de 50% pour les Volkswagen assemblées en Russie et de 20% seulement pour la production locale de General Motors (sauf pour les modèles produits en association avec AvtoVAZ).

Selon la presse russe, les aides gouvernementales à l'étude pourraient s'accompagner de restrictions à l'importation.

Quelles que soient les décisions du gouvernement, toute évolution du marché en faveur des marques locales pourrait bénéficier à Renault et Nissan via AvtoVAZ, numéro un en Russie. Le trio détient au total 30% du marché russe.

"Nous utilisons le patriotisme pour nous renforcer dans les régions où nous sommes déjà forts", explique Bo Andersson, directeur général d'AvtoVAZ." (avec Maria Kiselyova et Gleb Stolyarov, Marc Angrand pour le service français, édité par Juliette Rouillon)