"Que retenez-vous de la rencontre qui s’est tenue entre Donald Trump et Xi Jipping la semaine dernière ?
La visite introductive du président Xi Jinping a été présentée comme l'une des plus importantes rencontres entre les Etats-Unis et la Chine de ces dernières années. L’objectif avancé était d’avoir un échange de points de vue, un dialogue constructif, sur les questions prioritaires pour deux grandes puissances concernant leur relation bilatérale, et en particulier leur relation commerciale.
Il n’était pas vraiment question de prendre des engagements substantiels dans l’immédiat.
Donald Trump avait indiqué en amont de la rencontre que les dossiers épineux, comme celui du relèvement des droits de douane sur les produits chinois ou encore celui du statut d’économie de marché de la Chine ne seraient pas abordés cette fois-ci.

La question du taux de change n’a pas non plus été abordée... Est-ce parce que le département du Trésor américain ne remet son rapport biennal sur le taux de change que dans quelques jours.

Même à la suite de la publication de ce dernier rapport, il est peu probable que la Chine soit désignée comme manipulateur de devises, contrairement à la promesse qu’avait martelée Donald Trump lors de sa campagne électorale. En effet, sur la dernière période, la Chine ne coche pas tous les critères de mauvaise conduite en matière de politique de change, qui sont, outre un large excédent commercial bilatéral avec les États-Unis, la persistance d’un excédent courant élevé (supérieur à 3 % du PIB) et des interventions répétées des autorités pour contenir l’appréciation du taux de change. Le Chine ne répond présentement qu’au premier critère, avec un excédent commercial de 347 milliards de dollars vis-à-vis des Etats-Unis en 2016, soit près de la moitié du déficit commercial américain (734 milliards en 2016).

Des annonces officielles à l’issue ont été faites de cette rencontre …

Deux annonces en particulier, qui peuvent paraitre encourageantes, mais restent pour l’instant de portée limitée.
Tout d’abord, les deux parties se sont mises d’accord sur un programme de 100 jours pour mener des discussions visant à réduire le déficit commercial des Etats-Unis à l’égard de la Chine.
Par ailleurs, la Chine a consenti des concessions. Elle a notamment accepté de lever l’interdiction d’importation de bœuf américain et d’augmenter les importations de certains produits agricoles en provenance des Etats-Unis.

Les 100 jours sont à mettre en parallèle avec une autre décision prise par Donald Trump avant la rencontre…
Effectivement. Le 31 mars, Donald Trump a signé deux ordres exécutifs. L’un d’entre eux vise à ordonner au Secrétaire au commerce et au Représentant pour le commerce extérieur des Etats-Unis la réalisation d’une évaluation complète sur l’ampleur du déficit commercial américain.
Le rapport devra être remis sous les 90 jours au Président et vise à mettre en lumière les principaux partenaires commerciaux avec lesquels les Etats-Unis ont un déficit commercial important, et à en évaluer les causes (droits de douane, barrières non tarifaires, dumping, subventions et autres pratiques déloyales).

Ce rapport a vocation à servir de base aux futures décisions. Si la démonstration est faite que certains partenaires ne respectent pas les règles du jeu, le Président américain pourra user des larges prérogatives dont ils disposent pour décider de mesures de rétorsion unilatérales.

Il est intéressant de noter cette imbrication entre le calendrier proposé pour les discussions commerciales avec la Chine et l’élaboration de ce rapport censé ouvrir des possibilités d’actions unilatérales. Il y a, en cela, une stratégie de pression du côté américain.

Si les contours de la politique américaine vis-à-vis de la Chine ne sont pas encore complètement définis, les options qui émergent de la rencontre sont empreintes d’un certain pragmatisme et dénote une approche qui se veut moins conflictuelle...

Lors de l’élection de Donald Trump nombre d’économistes appréhendaient un scénario de risque extrême avec une escalade du protectionnisme, la multiplication de mesures entravant le libre-échange ou qui pourraient conduire à une guerre commerciale.

Au regard de la tonalité qu’a pris la rencontre entre M Trump et M Jinping, il apparait que la probabilité associée à ce scénario se soit quelque peu amoindrie, même si l’hostilité au libre-échange restera une constante dans la rhétorique de Donald Trump. En témoigne le refus du Secrétaire au Trésor américain, lors du dernier sommet du G20 à Baden Baden, de souscrire à la traditionnelle formule du communiqué final par laquelle les pays membres du G20 s’engagent à résister à toute forme de protectionnisme.

De toute évidence, l’administration américaine veillera à mettre de l’ordre dans la politique commerciale américaine afin de la rendre plus efficace à protéger les intérêts économiques nationaux, et à instaurer un level playing field, exigeant plus de réciprocité dans le domaine du commerce et des investissements de la part des pays partenaires.

S’il est considéré que la Chine a recours à des pratiques déloyales, les Etats-Unis pourraient prendre des mesures unilatérales de sauvegarde ou saisir l’organe de règlement des différends de l’OMC. Quelle voie vous parait être la plus probable…

Il reste difficile de se prononcer à ce stade. Il est vrai, d’une part, que les Etats-Unis ont exprimé une grande insatisfaction à l’égard du fonctionnement du système multilatéral de l’OMC. Mais d’autre part, les pouvoirs du Président des Etats-Unis en matière de politique commerciale sont assez importants. Ils reposent notamment sur de multiples statuts adoptés par le Congrès au fil temps qui autorise celui-ci à imposer des droits de douanes ou des quotas. Cette dernière menace est donc à prendre au sérieux.

Le cas échéant les deux voies pourraient être utilisées, mais avec au préalable une tentative d’obtenir des concessions plus substantielles de Pékin dans certains domaines. Les actions du Président Trump sont encore peu prévisibles mais l'on voit que différentes voies ont été ouvertes.
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