Moscou (awp/afp) -La banque centrale russe, moins d'un mois après avoir procédé au plus coûteux sauvetage de l'histoire du système financier russe, a dû venir en aide mercredi à l'une des cinq plus grosses banques privées russes, Binbank.

Près de trois ans après la crise monétaire causée par le plongeon des cours du pétrole et les sanctions occidentales liées à l'Ukraine, les établissements privés russes continuent de payer les excès du passé: acquisitions de concurrents fragiles et crédits accordés sans discernement.

Mercredi matin, la Banque de Russie a indiqué avoir été contactée par les actionnaires de Binbank, douzième banque russe par les actifs et parmi les cinq premières privées, pour la renflouer, promettant une décision "au plus vite".

Quelques heures plus tard, elle a annoncé dans un bref communiqué avoir décidé "d'octroyer à Binbank des fonds pour soutenir ses liquidités", sans préciser ni le montant, ni la forme de cette aide (crédit ou entrée au capital).

Binbank avait demandé au régulateur d'avoir recours à un fonds créé récemment pour prendre le contrôle des établissements en difficultés considérés comme trop gros pour être mis en faillite sans fragiliser l'économie.

La banque centrale y a eu recours pour la première fois fin août en s'emparant d'Otkrytié, huitième établissement du pays, par un sauvetage d'une ampleur inédite pour le secteur bancaire russe et coûtant plusieurs milliards d'euros.

Elle dispose d'un autre mécanisme d'aide aux grosses banque, dévoilé début septembre, sous la forme de prêts d'une durée ne dépassant pas 30 jours et soumis à la présentation d'une stratégie de redressement.

La Banque de Russie n'a pas hésité ces dernières années à fermer plusieurs centaines d'établissements pour assainir le secteur mais se trouve face à un choix plus difficile quand il s'agit d'acteurs clés du système.

Créée en 1993 et contrôlée par la famille de l'homme d'affaires Mikhaïl Goutseriev, Binbank (B&N Bank en anglais) compte environ 4,7 millions de clients.

Elle a assuré que les fonds accordés par la banque centrale, dont elle n'a pas précisé non plus la nature, était "suffisants pour remplir toutes ses obligations envers ses clients". "Il n'y a pas de raison de s'inquiéter, la banque continue de fonctionner comme d'habitude", a-t-elle insisté dans un communiqué.

- Expansion risquée -

Dans un autre communiqué, le président du conseil d'administration Mikhaïl Chichkhanov a expliqué les difficultés de l'entreprise par son rachat récent d'autres établissements fragilisés, Rost et MDM, dont "les problèmes se sont révélés bien plus graves que prévu dans un contexte de baisse du marché".

La récession qui a frappé la Russie en 2015 et 2016 a empêché de nombreux emprunteurs à rembourser les crédits accordés généreusement lors des années de croissance économique.

Dans ce contexte, certaines banques privées comme Binbank et Otkrytié se sont montrés gourmandes dans leurs acquisitions, reprenant des concurrents eux-mêmes en difficultés pour tenter de concurrencer les géants publics du secteur que l'Etat a soutenu financièrement pendant la crise.

Lors d'un discours prononcé mi-septembre, la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina a expliqué la chute d'Otkrytié par "un modèle d'entreprise trop risqué basé sur une expansion permanente et des grosses opérations risquées".

Selon elle, sa prise de contrôle a permis de limiter les effets de ses difficultés sur le système financier: "Il n'y a pas de retraits de fonds des autres banques et la hausse des taux obligataires constatée a été faible (...) sans présenter de risques systémiques".

Si la plupart des analystes reconnaissent qu'une telle méthode se montre efficace pour éviter des effets dominos dévastateurs, ils craignent de voir le poids de l'Etat se renforcer encore dans un secteur déjà ultradominé par des mastodontes publics comme Sberbank et VTB.

afp/rp