Moscou (awp/afp) - La banque centrale de Russie a volé au secours du rouble vendredi en augmentant son taux directeur pour la première fois depuis 2014, invoquant des risques inflationnistes renforcés et laissant entendre qu'elle poursuivrait dans cette voie.

L'institution monétaire effectue ainsi un changement de cap après un an de baisses successives, jusqu'en mars dernier, suivi d'une pause monétaire. Cette décision a surpris les analystes, qui tablaient sur un maintien du taux avant une baisse future.

Après sa réunion régulière de politique monétaire, la Banque de Russie a annoncé la hausse de son taux directeur de 7,25% à 7,5%, indiquant que "les changements observés dans les conditions extérieures" ont récemment "fait sensiblement augmenter les risques inflationnistes".

"La banque de Russie va considérer la nécessité d'une augmentation supplémentaire du taux directeur, en tenant compte des dynamiques inflationnistes et économiques", a ajouté l'institution.

La banque centrale maintient très serré le robinet du crédit depuis la crise monétaire de fin 2014. Elle avait alors relevé brusquement son taux directeur à plus de 17% pour juguler l'effondrement du rouble, sous l'effet de la chute des cours du pétrole et des sanctions occidentales faisant suite à la crise ukrainienne.

Or jeudi, les Etats-Unis ont confirmé préparer un nouveau train de sanctions économiques "très sévères" contre la Russie en réaction à l'empoisonnement d'un ex-espion russe au Royaume-Uni, après une première série de sanctions en août qui avait pesé sur le rouble.

Malgré une inflation toujours faible à 3,1% sur un an en août, l'institution a donc revu vendredi à la hausse ses prévisions d'inflation, disant craindre que la hausse des prix à la consommation n'accélère à 5,5-6% durant la première moitié 2019.

Cela ferait dépasser l'objectif de la Banque à moyen terme, qui est de 4%, à cause aussi d'une hausse à venir de la TVA. Cette dernière va passer de 18% à 20% le 1er janvier pour financer les promesses de campagne de Vladimir Poutine, réélu en mars pour un quatrième mandat.

"L'inflation devrait néanmoins revenir à 4% pendant la deuxième moitié de l'année" 2019, a déclaré la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina lors d'une conférence de presse.

Le rouble soulagé

La banque centrale a également annoncé vendredi son intention de suspendre l'achat de devises étrangères sur le marché intérieur jusqu'à la fin de l'année, afin de réduire la pression sur la monnaie.

Ces achats, effectués quotidiennement pour atténuer les effets de la fluctuation du marché pétrolier, pèsent sur la valeur de la monnaie russe. Leur suspension avait été annoncée fin août après la chute du rouble et devait initialement durer jusqu'à fin septembre.

Enfin, la banque centrale a affirmé qu'elle continuerait de soutenir les banques en difficulté et évoqué un assouplissement de la réglementation bancaire, comme cela s'était produit fin 2014.

Les annonces de la banque centrale ont immédiatement soulagé le rouble, qui a perdu près de 8% de sa valeur depuis fin juillet et s'est de nouveau effondré en début de semaine, entraîné par la crainte de nouvelles sanctions occidentales, des guerres commerciales et l'effondrement de la livre turque.

En fin d'après midi, le dollar s'échangeait à 67,54 roubles et l'euro à 79,04 roubles à la Bourse de Moscou. Le dollar avait franchi lundi la barre symbolique des 70 roubles et l'euro avait dépassé les 81,75 roubles, des niveaux jamais atteints depuis mars 2016.

"Nous pensons qu'il y a une marge pour que le rouble se renforce davantage dans les prochains mois, s'il n'y a pas de chocs négatifs en provenance des marchés extérieurs", estime Dmitri Poleïov, économiste en chef du fonds souverain russe.

La banque centrale "tente d'avoir une longueur d'avance", juge Oleg Kouzmine, analyste de Renaissance Capital. "Cela correspond au principal objectif économique de la Russie, qui donne la priorité à la stabilité intérieure sur tout le reste", ajoute-t-il, prévoyant une nouvelle hausse en octobre.

Selon les experts de Capital Economics, la hausse de vendredi serait "une mesure préventive contre le durcissement attendu des sanctions américaines, plutôt que le début d'un cycle".

La banque centrale a maintenu sa prévision de croissance du PIB à 1,5-2,0% pour 2018, mais revu à la baisse celle de 2019, qui passe de 1,5-2,0% à 1,2-1,7%. La prochaine réunion de politique monétaire sera le 26 octobre.

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