Basée à Los Angeles, Snapchat est l’application tendance depuis quelques années chez les ados et jeunes adultes. Elle permet d’envoyer des selfies et vidéos éphémères annotés et d’y ajouter toutes sortes de filtres. L’entreprise s’est renommée Snap Inc. le 24 septembre dernier avec la sortie de son nouveau produit « Spectacle », des lunettes de soleil permettant de prendre des photos et vidéos de 1 à 10 secondes et pouvant ensuite être uploadés sur l’application.

Depuis un an, Snapchat s’est aussi transformé en plateforme média que les annonceurs plébiscitent. De fait, l’application compte plus de 10 milliards de vidéos regardées par jour, et les marques peuvent potentiellement toucher 41% des 18-34 ans, contre 6% via la publicité TV. D’autre part, l’entreprise a développé des chaînes où les médias partenaires peuvent créer des mini magazines mobiles.

Avec plus de 150 millions d’utilisateurs actifs par jour pour une durée d’utilisation moyenne de 25 à 30 minutes par session en juin dernier, l’application a connu une croissance rapide avec 40 millions d’utilisateurs actifs supplémentaires en moins de 6 mois. Ces chiffres rendent Snapchat et ses 4 ans d’existence plus populaire que Twitter. Cette dernière, avec une valorisation et un nombre d’utilisateurs actifs inférieur est supposée gagner plus de 2 milliards de dollars de revenus cette année. Avec 59 millions de dollars de revenus en 2015 et environ 360 millions de dollars prévus cette année, Snapchat reste à la peine. Mais son habileté à atteindre les jeunes générations et à créer de nouvelles formes de publicités sur sa plateforme lui permettent d’envisager à terme une forte croissance de ses revenus pour 2017 et 2018, avec respectivement 935 millions et 1.7 milliard de dollars. 

Regroupant 31.6% des utilisateurs des réseaux sociaux aux Etats-Unis, sa plateforme de publicité lancée en milieu d’année 2015 ne capture à ce jour que 2.3% des revenus publicitaires. Pour autant, cette dernière devrait fortement gagner en parts de marché dans les prochaines années. De plus, ses revenus provenant aujourd’hui à 95% des Etats Unis, il existe une réelle opportunité à l’étranger où l’entreprise dispose d’une forte base d’utilisateurs, notamment au Royaume-Uni. D’ici à 2018, un quart de ses revenus devraient provenir de l’étranger.
 

Malgré ce manque de revenus aujourd’hui, Snapchat n’a pour autant pas manqué de fonds pour s’implanter et se développer. Depuis son lancement en 2012, elle a récolté 2.6 milliards de dollars auprès de 23 investisseurs et a déjà acquis 7 sociétés, ce qui lui donne aujourd’hui une valorisation de 18 milliards de dollars. Selon des sources proches du dossier, Snapchat pourrait faire son entrée en bourse dès mars 2017, avec l’objectif de lever jusqu’à 4 milliards de dollars lui permettant d’atteindre une valorisation estimée entre 25 et 35 milliards de dollars.

L’entreprise a choisi Morgan Stanley et Goldman Sachs Group Inc. pour gérer son IPO. Pour Morgan Stanley, cette opération représente son plus important rôle de conseiller avec une entreprise de technologie depuis l’IPO opérée avec Facebook. D’autres groupes financiers tels que JPMorgan Chase & Co. et Barclays Plc participeront également en qualité de Joint Bookrunner.

Une IPO de Snapchat en début d’année 2017 pourrait ainsi permettre aux entreprises du secteur des technologies de revenir sur le devant de la scène après une année 2016 parmi les plus faibles en IPO depuis sept ans (seulement 9 entreprises tech listées aux US selon Bloomberg).

Il convient de noter cependant que la situation actuelle des marchés américains est similaire à celle dans laquelle la très attendue IPO Facebook à 16 milliards de dollars était intervenue en mai 2012, et pourrait servir de leçon aux dirigeants de Snapchat afin d’opérer avec prudence. En effet, à l’époque le S&P 500 avait fini l’année précédente presque stérile, avec un gain de seulement 2% sur l’année, et début 2012 avait lui aussi été tumultueux avec seulement +4% lors de l’entrée en bourse de Facebook – soit une performance proche de celle de cette année 2016. Facebook avait été perçu comme le sauveur potentiel pour raviver le marché des IPO. Cela n’a pas été le cas et l’action Facebook avait chuté de 50% au cours des 3 mois suivant son introduction, douchant la volonté de nombreuses autres entreprises tech d’opérer leur IPO.

Snap Inc. pourrait entamer son entrée en bourse avec autant d’attentes que Facebook à l’époque – en sachant qu’elle a refusé des propositions de rachat de Facebook (3 milliards de dollars à l’époque) et de Google-Alphabet (4 milliards de dollars) – et dans un marché tout aussi périlleux. 

In fine, si Snapchat arrive à lever 4 milliards de dollars lors de son entrée en bourse, ce serait la plus importante IPO depuis Alibaba (22 milliards de dollars) en 2014, de quoi faire parler la presse et redonner de l’élan aux entreprises technologiques.