PARIS (AFP) --Plus de 200.000 personnes ont défilé jeudi dans des manifestations, émaillées de heurts à Paris, pour défendre le service public, le statut des fonctionnaires et des cheminots qui se sont fortement mobilisés, face à un gouvernement déterminé.

Selon un comptage réalisé par le cabinet Occurence pour un collectif de médias dont l'AFP, 47.800 personnes ont défilé à Paris, dont 13.100 à la manifestation des cheminots.

Au total, quelque 202.000 personnes ont manifesté dans toute la France selon un décompte de l'AFP, à partir des chiffres fournis par la police, dont 49.000 à Paris en additionnant le cortège des cheminots et celui des fonctionnaires.

La CGT a annoncé de son côté 500.000 personnes dans toute la France. A Paris, elle a recensé plus de 65.000 personnes dans les deux manifestations qui ont convergé vers 16H30 place de la Bastille.

Les cheminots ont donné le ton à grand renfort de fumigènes, tambours, sifflets et musique rock. "Ces manifestations convergentes, c'est l'expression d'un besoin de service public de qualité dans tout le territoire", a déclaré à l'AFP Philippe Martinez, le patron de la CGT qui a fait un passage dans les deux manifestations.

Des jeunes, parfois cagoulés, se sont livrés à des dégradations et ont lancé des projectiles sur les policiers, qui ont répliqué en usant d'un canon à eau et de gaz lacrymogènes, dans le cortège parisien. A Nantes également, des échauffourées ont eu lieu entre jeunes et policiers et à Bordeaux la préfecture a signalé quelques dégradations.

A l'appel de leur intersyndicale (CGT, Unsa, Sud et CFDT), les cheminots protestent contre la réforme de la SNCF par ordonnances, en transformant l'entreprise en société anonyme et en abandonnant le statut de cheminot à l'embauche.

Ils se sont mis en grève davantage qu'attendu à l'appel de l'Unsa et SUD (2e et 3e), avec un taux de 35,4% de grévistes selon la direction (à la prise de service). Avant même la grève en pointillé lancée le 3 avril pour trois mois, la journée était marquée pas de fortes perturbations, notamment avec deux TGV sur cinq, un Transilien sur trois.

Paul, aiguilleur en Lozère, non syndiqué, depuis 11 ans à la SNCF estime que "le statut (les) protège mais il protège aussi le rail, le service public, la sécurité des gens". Dans la manifestation parisienne, il promet de "faire tout pour que la réforme ne passe pas".

- "Un jour qui fera date" -

Côté fonctionnaires, les responsables des sept organisations syndicales (CGT, FO, FSU, CFTC, Solidaires, FA-FP et CFE-CGC) ayant appelé à la grève ont pris la tête du cortège parisien derrière une banderole unitaire: "pour la fonction publique, les salaires, l'emploi et le statut".

Le gouvernement "pose des bombes à fragmentation qui sont en train de détruire peu à peu les fondements mêmes de notre modèle social et républicain", a relevé dans la manifestation Pascal Pavageau, qui s'apprête à succéder à Jean-Claude Mailly à la tête de FO.

"Aujourd'hui est un jour qui fera date", a affirmé Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT Fonction publique, premier syndicat.

Lors de la précédente mobilisation le 10 octobre, ils étaient 45.000 à Paris et 400.000 en France selon la CGT à défiler contre la suppression annoncée de 120.000 postes, le rétablissement du jour de carence et le gel des salaires.

Depuis, l'exécutif a annoncé envisager un recours accru aux contractuels (agents non statutaires) et des plans de départs volontaires, ce qui fait craindre aux syndicats une fonction publique "morcelée" et "externalisée".

Près de 10.000 personnes ont notamment manifesté à Marseille, Nantes, ou Lyon, 11.000 à Toulouse mais également 3.800 au Mans, 2.200 à Amiens, 4.000 à Clermont-Ferrand ou 4.500 à Perpignan, selon la police. Partout, les fonctionnaires dont des personnels de la santé, étaient rejoints par des cheminots, des retraités et des jeunes.

- Solidarité -

"Happy birthday Mai 68", clame la pancarte portée par Christian Bousquet, 66 ans, ancien technicien aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Il manifeste "par solidarité avec ceux qui gagnent peu. Le pognon, on le récupère chez les petits qui n'ont pas de pouvoir".

"Soeur Emmanuelle s'occupait des pauvres, frère Emmanuel s'occupe des riches", pouvait-on lire sur une pancarte à Paris.

Face à ce test social d'envergure, le gouvernement affiche sa "très grande détermination à poursuivre les transformations", selon le porte-parole Benjamin Griveaux. Quant aux fonctionnaires, des discussions sont prévues jusqu'à fin octobre, a rappelé le secrétaire d'État, Olivier Dussopt.

A Bordeaux, Jacqueline, 67 ans, a collé une affichette sur son sac à dos: "Macron, les fainéants qui te font vivre sont dans la rue. Si les cheminots étaient des privilégiés, les enfants de députés travailleraient à la SNCF et pas à l'Assemblée".

Dans les écoles, un enseignant sur quatre était en grève en moyenne, d'après le SNUipp-FSU (1er syndicat). Et une poignée de lycées et d'universités ont été bloqués.

La grève des contrôleurs aériens a aussi entraîné des perturbations avec des vols annulés, à la veille d'une grève à Air France pour les salaires. D'autres secteurs étaient touchés, comme les crèches ou les bibliothèques.

Agefi-Dow Jones The financial newswires