Le groupe pharmaceutique français organise mercredi une "journée innovation" pour discuter de son portefeuille de nouveaux produits. Déjà irrités par l'absence de grosse acquisition depuis la nomination d'Olivier Brandicourt comme directeur général en avril 2015, certains investisseurs ont commencé à manifester leur impatience, exacerbée par les doutes entourant désormais le Dengvaxia, son vaccin contre la dengue.

En Bourse, l'action Sanofi se traite cette semaine non loin de son plus bas de l'année touché le 6 décembre à 72,63 euros. Le titre perd environ 4% depuis le début de l'année après avoir cédé 2% l'an dernier et sous-performe le secteur des valeurs pharmaceutiques européennes (+1,8%).

Ces cinq dernières années, Sanofi est resté à l'écart de la progression des pharmaceutiques : l'action a pris quelque 3% tandis que l'indice sectoriel progressait de 49%.

"Il ne se passe plus rien en termes de 'business development'. En termes de pipeline, il n’y a rien non plus. Sur la Dengue, c’est négatif et assez choquant", commente Rudi Van Den Eynde, gérant chez Candriam.

Sanofi a prévenu fin novembre que le vaccin pourrait aggraver la maladie chez les personnes jamais infectées auparavant par le virus de la dengue. Ce qui a amené les Philippines à retirer le produit de la vente, à suspendre une campagne publique d'immunisation de centaines de milliers d'enfants et à ouvrir une enquête.

"DERRIÈRE LA CONCURRENCE"

Un temps considéré comme un futur 'blockbuster' avec des ventes annuelles potentielles estimées à plus d'un milliard de dollars, le Dengvaxia n'a généré l'an dernier qu'un chiffre d'affaires initial de 55 millions d'euros (64,70 millions de dollars) et les analystes du secteur révisent en baisse leurs attentes.

Le revers enregistré avec le Dengvaxia s'ajoute à deux autres coups durs récents subis par Sanofi Pasteur, la division vaccins du groupe.

Sanofi a mis fin début décembre au développement clinique du vaccin expérimental destiné à traiter l'infection à Clostridium difficile, une analyse intermédiaire ayant conclu à une faible probabilité de succès.

En septembre, il avait arrêté le développement avec l'armée américaine d'un vaccin contre le virus Zika, considéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une urgence sanitaire.

La division diabète, de son côté, continue à subir des pressions sur les prix aux Etats-Unis, plus grand marché pharmaceutique mondial, où le brevet du Lantus, son produit phare, a expiré en 2015.

Début novembre, dans la foulée de résultats trimestriels inférieurs au consensus, Sanofi a fait savoir qu'il visait désormais pour la période 2015-2018 une baisse moyenne annualisée de 6% à 8% à changes constants de ses ventes dans le diabète, contre un recul de 4% à 8% projeté précédemment.

"Ce qui est frustrant, c'est d'avoir tout le temps le sentiment que Sanofi est une marche derrière la concurrence", résume un autre investisseur basé à Londres, qui a requis l'anonymat.

"On n'attend rien d'extraordinaire durant la journée innovation. La direction va sans doute parler longuement de l'anticorps monoclonal contre le myélome multiple, l'isatuximab, mais le danois Genmab et l'américain Johnson & Johnson (J&J) ont déjà un produit sur le marché, le Darzalex, qui se vend bien", ajoute-t-il.

PAS DE CIBLE BON MARCHÉ EN M&A Sanofi a dit à plusieurs reprises cette année qu'il ne voyait pas d'urgence à se lancer dans une grosse acquisition et que les investisseurs saluaient sa discipline financière.

Le groupe, cependant, n'est pas parvenu à boucler d'accord de M&A important depuis que Pfizer lui a soufflé Medivation, société californienne d'oncologie, en 2016 et que la biotech suisse Actelion est tombée dans l'escarcelle de J&J en janvier.

"Rétrospectivement, ils auraient peut-être acheté Medivation beaucoup trop cher. Les acquisitions, c'est bien, mais le faire à un bon prix et avec un bon projet, c'est mieux", estime Grégoire Uettwiller, de Moneta Asset Management.

"Une fois qu'une société se retrouve dans un état où le 'pipeline' interne n'est pas satisfaisant, il faut faire du business development (du M&A, NDLR)", insiste Rudi Van Den Eynde (Candriam)."

"Il ne faut pas se dire tout le temps que les cibles ne sont pas bon marché. Il ne faut pas être naïfs. Dans le monde moderne, on ne peut pas s’attendre à ce que les investisseurs laissent des cibles super intéressantes cotées à des prix bradés en Bourse."

(Dominique Rodriguez pour le service français)

par Matthias Blamont

Valeurs citées dans l'article : Sanofi, Johnson & Johnson, Genmab, Pfizer