Zurich (awp) - Les risques sur le marché du logement se confirment en Suisse. Les chiffres d'affaires et les commandes sont en recul, alors que le nombre de logements vides augmente. En cause, trop d'habitations ont été construites, encouragées par les taux d'intérêt bas, par rapport à la demande. La Société Suisse des Entrepreneurs estime que le ralentissement de l'activité va se poursuivre en 2019 vu la saturation du secteur. Mais il est trop tôt pour parler de crise.

Les chiffres d'affaires du secteur principal de la construction en Suisse se sont ainsi contractés au cours des neuf premiers mois de l'année, par rapport à 2017. Ils ont atteint 14,9 milliards de francs suisses, soit une baisse de 2,7%. Les entrées de commandes ont, quant à elles, diminué de 4%, selon la dernière enquête trimestrielle de la Société Suisse des Entrepreneurs (SSE) publiée mercredi.

L'activité a été plus faible au troisième trimestre qu'au premier semestre 2018. Cette année, les chiffres d'affaires n'atteindront par conséquent plus le niveau de l'année précédente et devraient continuer à baisser en 2019. Malgré cette évolution, il ne faut guère s'attendre à une forte contraction de l'activité de construction, note la SSE.

La situation des commandes indique une nouvelle consolidation pour le reste de l'année. Cela veut dire qu'il "y a une certaine tendance à la baisse, mais celle-ci n'est pas très accentuée. En ce moment, on ne peut pas (encore) parler d'une crise. Mais le risque d'une véritable crise va venir, mais là on pense plutôt à 2020 au plus tôt", ajoute Matthias Engel, porte-parole de la Société Suisse des Entrepreneurs.

Pour expliquer ces données, l'enquête souligne que le volume de l'activité est en recul dans le secteur du logement. "Au cours des dernières années, les faibles rendements sur les marchés financiers avaient stimulé la construction de logements locatifs - pour les investisseurs, les immeubles représentaient une alternative attrayante aux emprunts ou aux actions en dépit du recul de la demande en espace habitable. Ainsi, le taux d'unités vacantes s'est accru. Cette évolution a eu aussi pour effet une augmentation des risques pour la construction de logements - par conséquent, une correction des prix immobiliers et de l'activité semble inévitable à moyen et long terme".

En septembre, le nombre de logements inoccupés en Suisse se situait à un niveau inédit avec 72'294 appartements vacants recensés par Credit Suisse. Sur les neuf dernières années, le total de logements vides a doublé.

Pour Matthias Engel, les cas de demandes plus faibles que les offres sont surtout vrais "dans beaucoup de petites ou moyennes villes ou agglomérations avec une certaine distance jusqu'aux grandes centres. Le problème est plus prononcé en Suisse alémanique qu'en Suisse romande. En Romandie, on pourrait mentionner le Valais."

Un revirement à venir

Le marché de la construction de logements locatifs est saturé en Suisse, avec "même une surproduction de logements d'environ 5-10'000 unités en ce moment. Si l'immigration nette n'augmente pas à nouveau, la production doit s'adapter à une demande plus basse que la production actuelle. On espère que cette adaptation sera plutôt sous forme d'un atterrissage en douceur qu'une correction rapide et dure. Il faut s'attendre à un recul de l'activité dans le logement, mais il n'est guère prévisible quand ce revirement interviendra. Plus ce revirement se fera attendre, plus il sera important".

La Société Suisse des Entrepreneurs estime toutefois que les faibles taux d'intérêt ne devraient guère se modifier aux cours des prochains trimestres. "Mais dans les régions affichant un niveau élevé d'unités vacantes, une telle évolution peut aussi déboucher sur des diminutions substantielles de l'activité dans le logement".

Face au ralentissement prévu des chiffres d'affaires en 2019, la SSE plaide pour une simplification et une flexibilisation de la réglementation actuelle sur le temps de travail "pour pourvoir réagir, en cas de besoin, aux variations du volume des mandats et proposer des emplois sur toute l'année. Ceci constituerait un levier essentiel pour maintenir à un niveau élevé la part des emplois fixes, en particulier pour les entreprises des régions touristiques et de montagne", conclut Matthias Engel.

Une nouvelle ronde de négociations se tient ce mercredi entre syndicats et patronat.

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