par Laila Bassam

DOUMA, Syrie, 16 avril (Reuters) - Les habitants de Douma, dans la Ghouta orientale, zone rurale densément peuplée à l'est de Damas, approvisionnaient autrefois la capitale syrienne en produits frais. Affamés, ils se bousculent désormais pour obtenir du pain.

Depuis plus d'une semaine, les drapeaux du gouvernement syrien flottent au-dessus de la ville, qui était la dernière poche de résistance de la Ghouta. Les rebelles se sont finalement résignés à quitter la zone au terme de cinq années de siège, après avoir été victimes, disent-ils, d'une attaque chimique des forces de Bachar al Assad, qui nient tout recours à de telles armes.

En représailles à cette attaque, dont ils disent avoir la preuve, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont mené dans la nuit de vendredi à samedi des frappes coordonnées en Syrie contre ce qui a été présenté comme l'arsenal chimique clandestin du régime syrien.

La visite prévue lundi à Douma d'une délégation d'inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a été retardée. Russes et occidentaux se sont rejeté la responsabilité de ce retard. La Grande-Bretagne a ainsi reproché à Damas et à Moscou de ne pouvoir garantir la sécurité de la délégation de l'OIAC.

Le gouvernement syrien a quant à lui organisé lundi une visite de Douma pour les médias. Les forces de sécurité progouvernementales étaient visibles aux carrefours et la police militaire russe patrouillait dans les rues.

Les habitants se bousculaient dans une longue file d'attente pour recevoir du pain, du riz et des pâtes distribués par des camions gouvernementaux d'aide humanitaire, à l'un des principaux ronds-points de la ville.

"Quelle scène humiliante. Les gens d'ici avaient l'habitude de ne manger que du pain fait d'orge", a déclaré Amin Darkouch, chef-adjoint de la police de la région, en regardant des dizaines de personnes accourir derrière un camion.

La Ghouta orientale a connu d'importantes pénuries de nourriture durant les années de siège, selon les Nations unies. Le principal groupe rebelle de la région a en revanche assuré disposer de réserves suffisantes pour tenir une année supplémentaire.

Les habitants, qui étaient affamés, ont trouvé d'importantes quantité de nourriture après le départ des rebelles, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les denrées de base étaient disponibles pendant le siège de la ville, mais à des prix très élevés.

DES SOINS EN SOUTERRAIN

Autour de Darkouch, sont visibles les stigmates des bombardements, parmi les plus violents depuis le début du conflit, il y a plus de sept ans, qui ont duré des semaines et permis au régime syrien de reconquérir la ville.

De nombreux habitants de Douma vivent dans des bâtiments endommagés, dans des rues jonchées de débris.

Il ne demeure aucune trace des rebelles si ce ne sont des slogans peints sur certains murs et devantures de magasins: "La Ghouta orientale, terre de héros et fonderie d'hommes", "Douma est le cimetière des Chabiha (une milice qui soutient Assad)".

Dans les décombres d'une pharmacie, un groupe de femmes voilées espèrent trouver des médicaments.

"Mon fils a été blessé lorsqu'une bombe a atteint notre maison", dit l'une d'entre elles.

"Il n'y a ni médicament ni pansement pour le soigner. Il faudra peut-être amputer sa jambe", ajoute-t-elle.

La visite organisée lundi par le gouvernement n'incluait pas le bâtiment où, d'après les médecins et services de secours qui étaient sur les lieux, des dizaines de personnes ont été tuées le 7 avril par un gaz toxique alors qu'elles s'étaient abritées pour échapper au bombardement.

Bachar al Assad, soutenu par la Russie, nie avoir eu recours ou posséder des armes chimiques.

Quelques heures après l'annonce de l'attaque chimique présumée de Douma, le dernier groupe rebelle présent a accepté de quitter la ville.

L'hôpital dans lequel les victimes de cette attaque ont été traitées se trouve dans les sous-sols d'un grand bâtiment du ministère de l'Agriculture, dont la façade porte les traces de ces années de guerre.

De vastes tunnels couverts de plaques métalliques permettent aux ambulances d'y accéder. L'hôpital, qui dispose d'une salle d'opération et d'une unité de soins intensifs, est toujours en activité.

Marouane Djaber, un interne de l'hôpital, a affirmé aux journalistes lors de cette visite qu'aucun des patients admis la nuit de l'attaque ne souffraient de troubles liés à des armes chimiques mais qu'ils avaient été asphyxiés par la poussière et la fumée des bombardements.

Selon des groupes d'aide humanitaire et les Casques blancs, de telles déclarations, diffusées ces derniers jours par la télévision publique syrienne, sont faites sous la contrainte.

Les services de secours affirment que des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont été tués. Des images montrant des jeunes victimes à l'agonie, écume à la bouche, ont été utilisées pour justifier les représailles occidentales. (Angus McDowall à Beyrouth, Jean Terzian pour le service français)